Depuis la guerre éclair de douze jours avec Israël, l’Iran tente de reconstituer ses défenses tout en contrôlant son discours public. D’un côté, Téhéran annonce de vastes manœuvres terrestres dans le nord-ouest et teste des systèmes de défense aérienne dans la province côtière de Mahshahr. De l’autre, elle nie toute activité offensive ou lancement de missiles. Les Gardiens de la Révolution reconnaissent seulement des « essais défensifs ». Les autorités exhortent les habitants à ignorer les rumeurs, signe d’une confiance ébranlée depuis l’échec de la défense aérienne pendant la guerre. L’Iran organise aussi les exercices « Sahand 2025 » en Azerbaïdjan de l’Est, sous l’œil attentif de la Russie, de la Chine et des membres de l’Organisation de coopération de Shanghai. Le président du Parlement, Mohammad Bagher Ghalibaf, parle d’un message clair aux « puissances prédatrices » : les États indépendants ne se laisseront pas intimider.
En Israël, l’interprétation est tout autre. Amir Baram, directeur général du ministère de la Défense, avertit : « Toutes les frontières restent ouvertes ». Il rappelle que l’accélération du déploiement du système laser Iron Beam en octobre 2024 découle directement de la pression militaire constante menée par l’Iran via ses proxys. Baram évoque également les avancées israéliennes sur Arrow-4 et Arrow-5, signes que la confrontation stratégique est loin d’être terminée. Dans les services de sécurité, l’inquiétude principale porte désormais sur les chiffres : Israël estime que Téhéran pourrait prochainement produire plus de 2 000 missiles prêts à être lancés simultanément, un volume capable de submerger même des défenses multicouches.
Selon des évaluations israéliennes, la période précédant la fin du mandat de Donald Trump pourrait devenir un moment charnière. Le président américain a offert à Israël un soutien opérationnel et politique rarement égalé : feu vert élargi à des actions préventives, coopération militaire renforcée, bouclier diplomatique au Conseil de sécurité. L’hypothèse discutée dans plusieurs cercles stratégiques est claire : tirer parti de cette fenêtre pour contraindre le régime iranien à réagir — ou à vaciller.
Une manœuvre israélienne majeure aurait deux objectifs possibles : dégrader lourdement l’infrastructure militaire iranienne avant que celle-ci n’arrive à maturité et créer un fait accompli stratégique avant l’arrivée éventuelle d’une administration américaine moins favorable.
Cette possibilité n’est pour l’heure ni confirmée ni démentie par Jérusalem. Mais dans la région, chaque mouvement iranien ou israélien est interprété comme une pièce de plus dans une partie d’échecs qui s’accélère. Si Israël décidait « d’aller sur toute la mise », comme le formule un haut responsable, l’escalade pourrait être rapide : attaques contre sites nucléaires, frappes cybernétiques, actions ciblées contre bases balistiques, ripostes iraniennes via le Hezbollah, l’Irak ou le Yémen. Autant de scénarios qui transformeraient la fin du mandat Trump en l’une des périodes les plus dangereuses du Moyen-Orient depuis 1979.
Pour l’heure, Téhéran muscle ses défenses et minimise ses capacités offensives ; Israël renforce ses systèmes d’interception et affine ses options stratégiques. Le dernier mot pourrait bien appartenir au calendrier politique de Washington.