Lors d’une conférence à l’Université de Tel-Aviv, des chercheurs du groupe ADARR (Argumentation, Rhétorique et Analyse du Discours) de la Faculté des Lettres et sciences humaines de l'Université de Tel-Aviv ont présenté une analyse critique de la manière dont le quotidien Le Monde relate le conflit entre Israël et le Hamas. Leur étude, fondée sur plusieurs centaines d’articles et publications, met en lumière des choix lexicaux et narratifs qui tendent à légitimer le Hamas et à délégitimer Israël, tout en soulevant un débat plus large sur l’impartialité du journalisme en temps de guerre.
Dirigée par le Dr Raphaël Haddad et la doctorante Laetitia Gern, l’étude porte sur la période du 7 octobre 2023 au 30 avril 2025, et analyse trois corpus : 197 articles contenant les mots « Israël » et « Hamas », l’ensemble des articles du correspondant Moyen-Orient du journal, Benjamin Barthe, et 100 tweets du compte X du journal.
Les chercheurs identifient plusieurs procédés discursifs mis en œuvre :
Un cadrage qui tend à légitimer certaines actions du Hamas ou à centrer la souffrance des Gazaouis, parfois au détriment d’un cadre plus explicite des règles du droit international.
Une présentation du Hamas comme acteur structuré et politique plutôt que comme une organisation terroriste, via des choix lexicaux (« faction palestinienne », « ministère de la santé de Gaza ») et des infographies équivalentes à celles d’États ou d’organisations reconnues.
Une certaine mise à distance du contexte, notamment du rôle d’Israël dans les actions post-7 octobre, et une organisation du récit autour d'une mémoire historique (« Naqba », guerre de 1967, accords d’Oslo) qui s’adresse à un lectorat spécifique.
Parallèlement, Le Monde revendique un fonctionnement collégial, la séparation entre articles factuels et tribunes, et un réseau de correspondants nombreux, comme gage d’impartialité. Toutefois, les auteurs de l’étude estiment que cette posture ne suffit pas à éviter des biais de cadrage et à garantir une neutralité parfaite : « On constate une mise à distance du contexte post 7 octobre …, provoquant une délégitimation morale d’Israël ».
Enfin, la conférence a provoqué un débat animé entre chercheurs sur la manière dont les médias façonnent les représentations du conflit, et sur le rôle des cadres discursifs dans la formation de l’opinion publique.
Plus de détails sur cette étude sur le site des Amis français de l'Université de Tel Aviv