Le 23 juillet, à la Knesset, 71 mains se sont levées. Pas en signe de colère ou de rupture, mais en reconnaissance d’une évidence millénaire : celle d’un peuple revenant vers sa colonne vertébrale, vers la Judée-Samarie, non comme on conquiert, mais comme on se tient droit. Ce vote n’institue pas une guerre, il sanctifie une mémoire. Il ne brise aucun espoir — il récuse une illusion. Car l’idée d’un État palestinien, telle qu’elle s’est fanée dans le sang du 7 octobre, n’est plus un projet de paix mais un cheval de Troie pour la destruction. Ceux qui rêvent d’un second État à l’ouest du Jourdain n’aspirent pas à la coexistence, mais à l’effacement. Les députés l’ont compris, enfin. Ils n’ont pas voté pour annexer. Ils ont voté pour exister.
On ne peut pas faire l’histoire sans la géographie. Et celle d’Israël ne commence ni à Tel Aviv ni à Haïfa, mais à Hébron, à Beit El, à Shilo. Là où Abraham a payé de sa bourse le tombeau de Sarah. Là où Jacob vit l’échelle céleste. Là où la tente d’assignation abrita la Présence pendant trois siècles. Là où Joseph repose — ou tente de reposer — sous les pierres profanées d’un sanctuaire martyrisé, livré à la haine comme un agneau aux loups. Là où, aujourd’hui encore, des fidèles prient en courant, sous escorte blindée, à la hâte, comme des fugitifs sur la tombe de leurs pères.
La Judée-Samarie n’est pas un territoire à négocier : c’est une matrice. Là où l’Alliance s’est faite poussière et parole. Là où l’identité juive s’est inscrite dans le sol avec une encre d’éternité. Il faut ignorer la Torah ou trahir les Sages pour penser que ces collines seraient un "acquis illégal". Le Zohar parle de Hébron comme d’un canal entre les mondes. Le Ramban y voit un devoir permanent d’habitation. Le Rav Kook écrivait que la terre d’Israël a une âme — et cette âme, c’est la Judée-Samarie.
Et pourtant, que pèse cette âme dans les équations diplomatiques ? Que vaut-elle face à l’océan musulman qui entoure Israël ? Trente millions de kilomètres carrés, de Tanger à Djakarta, un quart de la planète. Mille peuples. Cinquante nations. Et au cœur de cet infini, une poussière : vingt-deux mille kilomètres carrés, Israël, soit un millième de ce que possèdent ses voisins. Moins qu’un soupir dans l’immensité. Moins que le dixième de l’Algérie. Moins que rien, et pourtant tout. Car sur cette poussière, Israël a construit une démocratie, une armée, une langue, une flamme. Ce que d’autres n’ont pas su édifier sur des empires. Chaque mètre carré y est labouré comme un verset, défendu comme une promesse, sanctifié comme un chant.
Mais le monde d’aujourd’hui n’entend plus les chants. Il compte les chars, les drones, les milliards. Il ne parle plus qu’avec des missiles. L’Allemagne double son budget militaire. La Pologne bâtit la plus grande armée d’Europe. Le Japon ressuscite ses divisions. La Russie brûle ses routes pour acheter des tanks. Le Golfe s’équipe comme pour un conflit de civilisations. La Chine muscle ses flottes, l’Iran ses milices. Même l’Afrique se cuirasse. Partout, le monde réapprend la langue du feu, et oublie celle des hommes.
Dans ce concert de tambours et d’acier, Israël n’a pas le luxe de la naïveté. Il ne peut se permettre une erreur de géographie. Il ne peut oublier que de Naplouse, de Kalkilya, de Beit El, on voit Tel Aviv. Ce qui peut être vu peut être visé. Et ce qui peut être visé peut être frappé. Il n’y a, à certains endroits, que quinze kilomètres entre la mer et la ligne verte. Un char les franchit en vingt minutes. Un mortier dissimulé dans un verger suffit à paralyser l’aéroport Ben Gourion. La Judée-Samarie n’est pas une colline : c’est un verrou. Si l’on le cède, c’est le pays tout entier qui s’ouvre à l’ennemi comme une plaie. Ce n’est pas une hypothèse. C’est l’expérience. Gaza, abandonnée en 2005, est devenue une fabrique de roquettes. Les serres sont devenues des tunnels. Le Hamas a remplacé les agriculteurs. Ce qui fut cédé au nom de la paix fut retourné contre elle. La Judée-Samarie, elle, est centrale, élevée, vitale. Si Gaza a coûté des années de feu, un retrait d’ici coûterait l’État. C’est pourquoi la résolution de la Knesset n’est pas un geste politique. C’est un acte de survie. Elle ne crée pas une nouvelle réalité : elle la reconnaît. Elle ne nie pas les droits des autres : elle affirme ceux qui sont les plus anciens, les plus profonds, les plus gravés.
Un jour, peut-être, l’histoire nous jugera. Elle dira si ce vote fut un tournant ou une simple parenthèse. Mais ce jour-là, les cartes parleront. Et elles diront ceci : Israël n’a pas annexé. Il a sécurisé. Il n’a pas effacé. Il a rappelé. Il n’a pas étouffé. Il a respiré. Car un État dont la gorge est étranglée ne chante plus. Et un peuple qui ne peut enterrer ses morts n’est plus vivant. Le 23 juillet, 71 mains se sont levées pour dire : Nous sommes encore là. Non pour menacer, mais pour tenir. Non pour exclure, mais pour rester. Ce vote n’est pas un choix idéologique. Il est, tout simplement, le seul vote possible. Un vote existentiel, enfin.
Eden Levi Campana