Nous sommes à la mi-juillet, plus de deux mois avant Rosh Hashana, et pourtant l’expression « après les fêtes » revient déjà dans toutes les conversations, notamment parmi ceux qui suivent de près la politique israélienne. Habituellement utilisée pour différer rendez-vous ou décisions, elle fait ici référence à la reprise de la Knesset à la mi-octobre, après une longue pause d'été qui débute ces prochains jours.
Entre-temps, le pays doit patienter pour savoir si ce gouvernement — qui mène la guerre, négocie sur les otages, frappe l’Iran et bombarde en Syrie — tiendra ou tombera.
Pourquoi cette situation étrange ? Car même si les deux partis haredim, Judaïsme unifié de la Torah et Shas, ont annoncé leur sortie du gouvernement, cela reste symbolique : la Knesset décroche pour une longue pause estivale et ne pourra adopter aucune loi nécessitant une majorité, y compris une loi de dissolution.
De plus, Shas précise qu’il ne rejoindra pas l’opposition et ne votera pas contre le gouvernement. Ainsi, Arye Deri continue à participer aux délibérations du cabinet de sécurité, là où se prennent les décisions cruciales.
Le ministre des questions religieuses, Michael Malkieli, explique que ce retrait est motivé par l’épineuse question du service militaire des haredim, ou plutôt l’échec à faire passer une exemption pour les étudiants des yeshivot : « Le gouvernement persécute les étudiants en Torah. » Pourtant, il affirme que le parti ne « coopérera pas avec la gauche » pour renverser le gouvernement.
À première vue, ce retrait du gouvernement sans quitter la coalition semble paradoxal. Pourtant, pour le public électoral de Shas, composé d’une majorité haredi mais aussi de nombreux électeurs à droite, c’est une stratégie politique claire : afficher une opposition idéologique à la conscription tout en soutenant la coalition de droite et en évitant l’alternance vers un gouvernement dirigé par Yesh Atid.
Shas tente ainsi de « ménager le chou et la chèvre » : rester fidèle aux autorités rabbiniques en demandant des exemptions militaires, tout en ménageant sa base électorale sécuritaire.
Mais ce compromis est-il viable ? Le dernier sondage Channel 12 révèle une chute de soutien de Shas de 11 à 8 sièges en moins de deux mois, signe que cette posture divise l’électorat.
Au sein du Likoud, la députée Tali Gottlieb critique durement Arye Deri, accusant Shas de trahir ses électeurs en affaiblissant le gouvernement en pleine guerre. Son message clair : « Ne votez pas Shas ! »
Les prochaines élections doivent avoir lieu au plus tard le 27 octobre 2026. Si la Knesset est dissoute dès sa rentrée d’octobre, le scrutin pourrait avoir lieu dès janvier 2026, soit à peine dix mois avant la date butoir.
Dans ce contexte, il est probable que l’un des partis de la coalition choisisse finalement de provoquer la dissolution pour raisons idéologiques — Shas pourrait quitter la coalition, voire le Parti sioniste religieux ou Otzma Yehudit sur le dossier de Gaza — et justifier ainsi les élections par des principes plutôt que par des calculs politiques.
Le Premier ministre est sans doute le principal acteur politique à anticiper la campagne électorale. Sa gestion du dossier du service militaire des haredim est un exemple de sa volonté de maintenir sa coalition malgré les événements dramatiques du 7 octobre et la colère populaire.
En promettant une loi d’exemption, il a pu contenir la coalition, mais il devra maintenant décider s’il est prêt à assumer le risque politique d’imposer cette loi, très contestée par la majorité des électeurs du Likoud favorables au service universel et au partage du fardeau.
Cette décision se dessinera pendant la pause estivale.
Le retrait « à moitié » de Shas permet au parti d’observer la manœuvre de Netanyahu. Trouvera-t-il un compromis acceptable pour les partis haredim ? Si oui, cela signifiera qu’il cherche à prolonger la durée de vie de sa coalition. Sinon, ce sera l’indice qu’il prépare les élections avec la certitude que cette loi sera un handicap électoral.