A ne manquer sous aucun prétexte. Le 23 octobre sortira en salle « Carla et moi », le film dont nous avions besoin dans ces périodes moroses. Coup de cœur de la Maison Dulac qui distribue cette comédie dramatique en France, « Carla et moi » (Betwen Temples) a été présentée avec succès lors du Festival du film de Sundance, au 74e Festival international du film de Berlin et au Festival du film de Tribeca 2024. Chaque fois les critiques ont été dithyrambiques et unanimes et les retours spectateurs positifs. Un succès mérité.
La soirée d’avant-première débute, pour nous, au mythique cinéma « l’Arlequin », de la rue de Rennes dans le 6e arrondissement de Paris. Sophie Dulac en personne est venue présenter l’équipe du film « Carla et moi ». Productrice, distributrice mais également exploitante de 5 salles prestigieuses dans la Capitale, Sophie Dulac est un monument du cinéma français. Hyper créative, la « Maison Dulac » anime une multitude d’évènements dont le « Festival du cinéma Israélien » et le « Champs-Élysées Film Festival ».
Avant de vous raconter pourquoi j’ai adoré ce film, je dois vous avouer que je n’ai fait le déplacement au cinéma « l’Arlequin » que pour Jason Schwartzman. Par un étrange concours de circonstances, j’ai eu l’occasion de passer une journée entière avec lui en 2006, au Palais de Versailles dans la Galerie des glaces, sur le tournage de « Marie-Antoinette » réalisé par sa cousine Sofia Coppola. Nous étions une vingtaine de personnes dont quatre membres du clan Coppola, Sophia et son frère Roman, papa Francis Ford et bien entendu Jason Schwartzman. C’était le dernier jour de tournage de Judy Davis et le maladroit à côté de moi lui a arraché sa robe à 4 reprises (une qui a obtenu un Oscar tout de même). Tout ça pour dire que depuis je suis avec une grande attention Kirsten Dunst, Judy Davis, le clan Coppola et bien entendu Jason Schwartzman. Un artiste hyper-talentueux, qui se revendique juif et vegan, qui excelle à la fois dans la comédie et le drame, avec une carrière qui mêle avec brio films d'auteurs et blockbusters, c’est un artiste que l’on suit. Si on rajoute le fait qu’il est le fils de Talia Shire (Adrian, Rocky Balboa), inutile de préciser que le fruit n’est pas tombé loin de l’arbre.
L’autre star de « Carla et moi » est Carol Kane, une des actrices les plus somptueuses et les plus polyvalentes du cinéma américain, depuis 5 décennies, au cinéma, à la télévision et au théâtre. Révélée dans les années 1970, elle a été nommée en 1975 à l'Oscar pour « Hester Street ». Réputée pour sa capacité à incarner des personnages borderlines, avec sensibilité et humour, elle a marqué les esprits dans des films comme « Un après-midi de chien » (1975), « Annie Hall » (1977), « When a Stranger Calls » (1979), « Princess Bride » (1987), « Scrooged » (1988) et « Flashback » (1990). Carole Kane est également apparue dans la série télévisée « Taxi » au début des années 1980, dans le rôle de Simka Gravas, l'épouse de Latka, le personnage joué par Andy Kaufman. Elle a remporté deux Emmy Awards pour son travail. La liste de ses participations est très longue allant du personnage de Madame Morrible dans la comédie musicale « Wicked » à la série Netflix « Unbreakable », en passant par le rôle de Pelia dans « Star Trek : Strange New Worlds ». Autant dire que c’est une belle surprise de la retrouver dans « Carla et moi ».
Mais qu’est-ce qu’il a donc de si formidable ce film « Carla et moi » ? L’œuvre réalisé par Nathan Silver se démarque comme une comédie dramatique touchante et subtilement élaborée. Le réalisateur de « Thirst Street », « The Great Pretender » et la série télévisée « Cutting My Mother » nous plonge ici dans l'histoire complexe de Ben Gottlieb (interprété par Jason Schwartzman), un chantre en pleine crise de foi, qui peine à se remettre de la mort accidentelle de sa femme Ruth. Ce film touche à la fois à des thèmes universels comme le deuil, la foi, et l'identité, tout en restant ancré dans une comédie subtile et parfois absurde. L'intrigue s'ouvre sur Ben, qui, après la mort tragique de Ruth, retourne vivre chez ses deux mères, Meira et Judith. Son incapacité à chanter et à accomplir son rôle de chantre illustre à merveille la profondeur de son malaise. Ben, qui se débat entre la perte de sa foi et son insomnie chronique, se retrouve dans un tourbillon émotionnel quand Carla Kessler (interprétée par Carol Kane), son ancienne professeure de musique, réapparaît dans sa vie. Leur rencontre est le point de départ d'une relation imprévue qui va bouleverser Ben et l'amener à se confronter à lui-même. L'histoire devient encore plus intrigante lorsque Carla révèle à Ben son souhait d'avoir une Bat Mitzvah tardive, un rêve qu'elle n'a jamais pu réaliser en raison de l'athéisme militant de ses parents communistes. Ben accepte de l'aider à réaliser ce rêve, et ce point de départ improbable déclenche une série d'événements à la fois comiques et poignants. Leur amitié se développe à travers des scènes marquées par un mélange d'intimité maladroite et de complicité inattendue, le tout agrémenté de moments surréalistes. Ce passage, où Ben a des hallucinations de son jeune lui-même, représente un moment de catharsis. Cela renforce le lien entre le passé et le présent de Ben, et lui permet de renouer avec l'enfant qu'il était, celui qui croyait encore en sa capacité à surmonter la vie et ses épreuves.

Cette relation improbable entre un homme en deuil et une femme cherchant à renouer avec son identité religieuse dégage une tendresse palpable et une sincérité rare. À travers leurs interactions, le film explore non seulement les défis de la foi dans un monde moderne, mais aussi la manière dont les traditions peuvent évoluer et s'adapter aux histoires de chacun. Le choix de faire de Carla une figure issue d'un milieu athée et communiste rajoute une dimension socio-politique intéressante qui enrichit la trame sans la surcharger. Cette rencontre entre deux univers montre que la foi et la tradition peuvent prendre des chemins inattendus.
La dimension familiale et communautaire est omniprésente, comme en témoignent les tensions entre Carla et son fils athée, Nat. Cette opposition entre la quête spirituelle de Carla et le refus catégorique de Nat, ajoute une profondeur au récit, illustrant les conflits générationnels autour de la religion et des valeurs.
Un autre point fort du film est la manière dont il intègre la romance. La relation entre Ben et Carla est traitée avec une sensibilité touchante, tout en conservant une retenue émotive qui évite les clichés. Les clichés ne manquent pas, la mère juive (fois deux), le rabbin sensible à l’argent mais Nathan Silver a su en tirer le meilleur. Le mélange habile d'humour, de tristesse et de réflexions existentielles rend ce film universel et particulièrement mémorable. Il touche à la fois le cœur et l'esprit, et offre une célébration émouvante de la foi, de l'amitié et de l'amour. Jusqu’à la fin, le spectateur se demande s’il va assister à l'accomplissement de Carla et la rédemption de Ben. La réponse est à découvrir dans les bonnes salles à partir du 23 octobre.
Après la projection, la journaliste et critique de cinéma Sophie Grech a animé avec malice et humour une séance de questions/réponses avec Jason Schwartzman, Nathan Silver et les spectateurs. Un échange à découvrir dans le dossier « cinéma juif et israélien » de AJ MAG du mois de décembre.
Eden Levi-Campana