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Article de Nathalie Sosna-Ofir pour AJ Mag numéro 1013
Depuis leur invention, l'évolution des drones militaires a été rapide et continue, passant de petits avions télécommandés utilisés pour des missions de reconnaissance à de véritables armes de guerre. Ces aéronefs sans pilote ont radicalement changé les méthodes opérationnelles des forces armées, devenant des outils non seulement pour les États mais aussi pour les organisations terroristes. Leur prolifération est désormais un enjeu géopolitique majeur, qui soulève aussi des questions éthiques et stratégiques.
Le 19 juillet, un drone lancé par les rebelles houthis du Yémen, soutenus par l'Iran, a réussi à contourner les systèmes de défense aérienne de Tsahal et s’est écrasé sur un immeuble de Tel Aviv, faisant une victime. Quelques mois plus tôt, un drone venu de Syrie a explosé dans la cour d’une école à Eilat ; et le 15 mars dernier, un drone lancé par le Hezbollah a atteint la base militaire Tal Shamayim, près du carrefour Golani, qui abrite le ballon d'observation Sky Dew de l'armée de l'air, un dispositif avancé conçu pour fournir des alertes rapides contre les missiles et les drones – l’attaque la plus profonde jamais réalisée par le groupe terroriste en territoire israélien. Ces attaques révèlent une amélioration préoccupante dans la précision et la capacité des drones à échapper à la défense aérienne. Ces engins de plus en plus sophistiqués représentent une menace pour la sécurité du pays.
L’histoire des drones remonte à la Première Guerre mondiale et leur rôle sur les champs de bataille s’est affirmé au cours du XXe siècle. Initialement utilisés pour la reconnaissance et l'observation, les drones, avec les avancées technologiques, ont évolué en armes offensives capables de frapper des cibles spécifiques avec une efficacité redoutable.
Le RQ-1 Predator, l’un des premiers drones armés, développé par General Atomics aux États-Unis, a introduit un nouveau paradigme dans les opérations militaires. En Afghanistan et en Irak, il a été utilisé pour des missions de surveillance mais aussi pour des frappes de précision, dévoilant comment les drones armés peuvent réduire les victimes collatérales et minimiser les risques pour les pilotes.
Israël a été pionnier en matière d’avions non pilotés : dès les années 1970, il a développé des appareils destinés à la reconnaissance, permettant de collecter des renseignements sans risquer la vie d’aviateurs. Des entreprises comme Israel Aerospace Industries et Elbit Systems ont depuis créé des drones avancés tels que le Heron et le Hermes, acquis par de nombreux pays et utilisés pour des missions variées allant de la surveillance des frontières à la neutralisation de menaces spécifiques. Pendant la guerre de Kippour, ces appareils ont fourni des images des positions ennemies même dans des environnements hostiles.
La guerre du Liban, en 2006, a marqué un tournant. Pour la première fois, les heures de vol effectuées par des drones ont dépassé celles des avions de chasse, et les drones ont permis d’améliorer la reconnaissance et la réactivité sur le champ de bataille, tout en réduisant les dommages collatéraux.
Leur coût relativement bas, leur capacité à offrir une supériorité aérienne sans risquer la vie de soldats et leur flexibilité opérationnelle font des drones des éléments clés du champ de bataille moderne, et plus de 100 pays en possèdent. Outre les États-Unis et Israël, la Chine et la Turquie, en particulier, ont émergé comme des producteurs majeurs, proposant des drones sophistiqués à des coûts compétitifs. Cette démocratisation a permis à des groupes non étatiques, voire terroristes, de développer leurs propres capacités, comme le Hamas ou le Hezbollah qui, avec le soutien de l’Iran, dispose d’un arsenal estimé à 2000 drones, dont certains modèles avancés.
Depuis le début des hostilités à Gaza et à la frontière libanaise, l'armée de l'air de Tsahal, en utilisant des systèmes comme le Dôme de fer, a intercepté plusieurs centaines de drones, principalement lancés depuis le Sud-Liban. Cependant, l’interception de ces menaces reste un défi, notamment en raison de la topographie complexe de la frontière libanaise – crêtes et collines –, et des trajectoires courtes qui compliquent la détection et l’interception. Les drones plus petits, comme les quadricoptères utilisés par le Hamas, sont particulièrement difficiles à contrer en raison de leur vitesse lente et de leur faible altitude, rendant leur détection par les radars conventionnels presque impossible.
Les progrès rapides en la matière posent donc de nouveaux défis stratégiques et opérationnels. La miniaturisation, l’autonomie et l'utilisation coordonnée de drones pourraient transformer les opérations militaires. Les essaims de drones, capables de saturer les défenses ennemies, de collecter des renseignements et de brouiller les communications adverses, représentent un danger particulièrement redoutable, qui oblige à des ajustements dans les stratégies de défense des forces armées du monde entier et des contre-mesures adaptées. Et pour Israël, il est crucial de se préparer à cette menace évolutive, car le Hezbollah semble en passe de la maîtriser. Toute lacune dans le système de défense israélien pourrait avoir de graves conséquences.
L'utilisation croissante de drones armés soulève également des questions éthiques et juridiques. Actuellement, ces appareils sont pilotés par des humains, mais ils pourraient évoluer vers des systèmes entièrement autonomes capables de prendre des décisions, y compris celle de « tuer », sans intervention humaine – une perspective alarmante pour de nombreux experts et défenseurs des droits de l’homme qui plaident pour une réglementation stricte afin d'éviter une dérive vers des conflits automatisés. Malheureusement, les discussions au sein de l'ONU sur la régulation des armes autonomes piétinent, malgré les efforts de certains pays pour progresser sur ce sujet. L'objectif serait de trouver un équilibre entre avantages opérationnels et impératifs moraux.
Article de Nathalie Sosna-Ofir pour AJ Mag numéro 1013