A l'époque, en 2015, Mandelblit possède un sérieux handicap pour obtenir le poste qu'il désire: il est sous le coup d'une enquête pénale pour fraude et abus de confiance dans ''l'affaire Harpaz'' et il officie comme secrétaire général du gouvernment ce qui constitue une conflit d'intérêt flagrant pour être nommé conseiller juridique du gouvernement. En effet, c'est lui qui décide d'ouvrir une enquête pénale contre le Premier ministre, le cas échéant et sa proximité professionnelle avec Netanyahou peut être considérée comme un obstacle.
Mandelblit décide de faire fonctionner son réseau et notamment le bâtonnier du barreau d'Israël de l'époque, son ami Effi Navé.
Ce dernier va nommer un proche au sein de la commission qui doit désigner le futur conseiller juridique du gouvernement: Me Yehiel Katz. Il exécutera les consignes de Mandelblit au sein de la commission, alors qu'officiellement aucun lien n'existe entre eux et que, surtout, il est interdit à un candidat de faire pression sur ceux qui sont censés décider de lui octroyer ou non le poste qu'il convoite.
Navé et Mandelblit s'entretiennent par téléphone parfois jusqu'à 12 fois par jour pendant cette période.
Extrait d'une discussion publiée par Amit Segal:
Navé: Aujourd'hui la fille de Yehiel se marie, je ne pense pas ce soit une bonne chose (d'y aller)
Mandelblit: Non non non non
Navé: Il travaille vraiment pour toi, que tu saches
Mandelblit: Bravo à lui et bravo à toi
Navé: Yehiel prépare un dossier béton. Il connait tout sur ton cas. Je lui ai dit 'Yehiel, ce qui compte c'est de convaincre Gronis'' (le président de la commission). Nous en avons quatre même sans lui mais s'il donne sa bénédiction cela tue tous les risques devant la Cour suprême.
Pendant des mois, Mandelblit reçoit, par l'intermédiaire de Navé des renseignements sur le déroulement des débats autour de sa nomination et il donne des instructions sur la manière dont il doit être défendu et comment les autres candidats doivent être dévalorisés. Navé le prévient des sujets sur lesquels il devra se défendre lors des audiences et notamment celui de sa proximité professionnelle avec Netanyahou.
A l'époque, des rumeurs font état d'une volonté de Netanyahou de remplacer le parti Habayit Hayehoudi par le parti Avoda au sein de la coalition. Navé demande alors à Mandelblit de se servir de ses liens avec le Premier ministre pour conserver Habayit Hayehoudi au sein du gouvernement puisque la ministre de la Justice de l'époque, Ayelet Shaked, soutient la candidature de Mandelblit.
Ces enregistrements laissent entendre que Mandelblit a manoeuvré en coulisses, contrairement à la loi, pour influencer la commission de nomination afin d'être désigné comme le conseiller juridique du gouvernement.
Cette première étape s'est déroulée comme prévu, la commission a donné le feu vert pour qu'il obtienne ce poste.
Mais Mandelblit n'est toujours pas tranquille en raison du dossier ouvert contre lui par le Parquet concernant l'Affaire Harpaz. Il se demande si le Parquet le défendra devant la Cour suprême en cas de recours contre sa nomination.
Une autre arme est alors utilisée par Mandelblit et Navé. Le candidat en face de lui est Guy Rottkopf, le directeur de cabinet du ministre de la Justice, proche de Daniel Friedman, qui veut réformer le système judiciaire. C'est d'ailleurs ce candidat que le Premier ministre Netanyahou préfère.
Mandelblit et Navé vont alors s'efforcer d'expliquer au Parquet et aux juges de la Cour suprême que si Mandelblit n'est pas nommé, l'alternative est Rottkopf et que leur statut pourrait être remis en cause par une réforme que ce dernier soutiendrait.
Mandelblit: Nous n'en sommes plus au même point maintenant. Le Parquet est avec nous. Yehouda (Weinstein, le conseiller juridique du gouvernement de l'époque) a parlé avec moi, ils nous protègent.Navé: La question est comment ils protègent. Le Parquet est avec toi avec le coeur ou avec...Mandelblit: Non, la situation n'est plus la même parce que Shay (Nitzan, le procureur de l'Etat de l'époque) veut (défendre Mandelblit) à cause de l'autre option, à cause de l'alternative (Guy Rottkopf).Nave: Ils ont compris quelle était l'option?Mandelblit: Ils ont compris, ils ont comprisNavé: Comment tu sais?Mandelblit: Parce que j'ai parlé avec Shay pendant une heure et demi. Tout le monde comprend.Navé: Il comprend que si tu t'en vas c'est Rottkopf qui arrivera et qu'il n'aura pas d'états d'âme, ils le comprennentMandelblit: Oui, il l'a très bien compris. Et pas que lui, tout le monde le comprend là-bas.Navé: Tu sais quoi, s'il n'y est pas, ils auront Rottkopf et l'histoire sera terminée. (...) C'est important qu'ils comprennent qu'ils maudiront le jour où Avihaï est parti parce qu'ils comprennent qui viendra à la place.
Amit Segal révèle, par ailleurs, que Mandelblit envoie, parallèlement, Effi Navé parler aux juges de la Cour suprême, ce qui est interdit par la loi, afin de leur faire passer le message: s'ils acceptent le recours contre la nomination de Mandelblit, ils auront au poste de conseiller juridique du gouvernement, un personnage dont ils ne veulent pas. Le message est passé, le recours a été rejeté par la Cour suprême.
Avihaï Mandelblit sera conseiller juridique du gouvernement de 2016 à 2022. C'est lui qui décidera de la mise en examen du Premier ministre Netanyahou le 21 novembre 2019 dans plusieurs affaires de corruption, abus de confiance et fraude. Les procès sont en cours.
Dans un autre enregistrement divulgué, il y a plusieurs années alors qu'il est conseiller juridique du gouvernement, Avihaï Mandelblit, avoue: ''Shay Nitsan me tient à la gorge''. L'affaire Harpaz est officiellement fermée mais le dossier de Mandelblit porte toujours la mention ''en attente d'éclaircissements'' et son cas personnel est donc, et jusqu'à aujourd'hui, en suspens.