Ouverte le 18 juillet dernier, cette commission a été initiée par des citoyens. Selon ses fondateurs, cette commission auto-proclamée a vu le jour, compte-tenu de l’absence de décision dans ce sens par l’échelon politique et en raison du besoin de commencer à enquêter sur les événements et par crainte que la commission étatique ne soit orientée politiquement ou ne voit jamais le jour.
Malgré cette volonté affichée de conférer un caractère apolitique à la commission, force est de constater que ses membres sont tous plus ou moins identifiés avec la gauche.
Depuis plusieurs semaines maintenant, elle a auditionné un certain nombre de personnes dont des personnalités politiques. Aujourd'hui c'était au tour de Yaïr Lapid.
Celui-ci a expliqué que s'il avait été Premier ministre, le drame du 7 octobre ne serait jamais arrivé et a accusé le Premier ministre d'avoir pris à la légère les multiples avertissements des services de sécurité.
Lapid est revenu sur les mois qui ont précédé le 7 octobre alors que le pays était plongé dans une crise sans précédent sur fond de réforme judiciaire et fait un lien entre la réforme et les menaces sécuritaires. Ce faisant, il ignore totalement les centaines de réservistes, notamment de l'armée de l'air, qui ont affirmé à maintes reprises qu'ils arrêtaient leur service. Au mois de septembre dernier, Netanyahou avait littéralement tapé du poing sur la table face au danger extrême que représentaient ces discours sur la force de dissuasion israélienne. Cela n'avait pas empêché Yaïr Lapid de soutenir ces réservistes.
Lapid a affirmé devant la commission que l'échelon politique avait été informé que le Hamas avait l'intention d'entrer en guerre: ''Je ne dis pas cela a posteriori. Je l'ai dit en temps réel et je n'étais pas le seul. Pendant les mois qui ont précédé le drame le Premier ministre et les ministres du cabinet ont reçu une série de graves avertissements. A la mi-2023, de plus en plus de voix au sein des organisations terroristes disaient que le moment qu'elles attendaient était arrivé. Le 24 juillet, la coalition a adopté l'amendement au sujet de la clause de raisonnabilité. Le jour du vote, le Chef d'Etat-major a demandé un entretien au Premier ministre pour le prévenir mais le Premier ministre a refusé de le recevoir. Je ne me souviens pas qu'un tel cas se soit produit, qu'un Premier ministre refuse de recevoir un Chef d'Etat-major qui veut l'alerter sur une menace sécuritaire'', a déclaré Lapid.
Il poursuit en racontant que quelques heures avant le vote sur la clause de raisonnabilité, il a discuté avec le chef du Shabak, Ronen Bar qui l'a mis en garde contre les conséquences sécuritaires sans précédent de ce que Lapid appelle ''le renversement de régime'' et la fracture au sein du peuple qu'il engendre. ''J'ai demandé si ces avertissements avaient été transmis au Premier ministre et aux ministres du cabinet, la réponse était affirmative'', décrit Lapid.
Il a précisé que le 21 août 2023, il avait participé à une réunion sécuritaire chez le Premier ministre. ''Le secrétaire militaire du Premier ministre, Avi Gil, avait alerté sur un réchauffement de tous les fronts - Iran, Liban, Gaza. Tous percevaient une faiblesse du côté israélien, une fracture interne, des tensions et une baisse de la préparation de l'armée en plus d'un éloignement de plus en plus prononcé des Américains'', raconte Lapid avant de déclarer: ''J'ai pensé qu'il s'agissait d'informations particulièrement graves. Le Premier ministre de son côté avait l'air de s'ennuyer et d'être indifférent, il n'a soulevé aucune question''.
Lapid explique que suite à cette réunion, il s'est rendu plusieurs fois à la commission Affaires étrangères et Sécurité de la Knesset et a eu accès à des documents ultra-confidentiels qui lui ont permis de comprendre que la situation était vraiment grave. A la veille de Kippour, il avait d'ailleurs prononcé une allocution dans laquelle il disait: ''Je suis obligé de prévenir les citoyens israéliens: nous rapprochons dangereusement d'un conflit violent, sur plusieurs fronts. Les dernières manifestations près de la barrière à Gaza sont exactement le type d'événements qui pourraient nous conduire à un nouveau round de combats. Tous les responsables des services de sécurité - Tsahal, Shabak, la police, les renseignements - mettent en garde le gouvernement et le cabinet d'une confrontation violente mais Ben Gvir et Smotrich ignorent systématiquement les conseils des responsables sécuritaires qui leur demandent d'agir avec prudence et responsabilité''.
Le chef de l'opposition ne dédouane pas pour autant l'échelon militaire: ''Il savait, il a alerté mais au lieu d'agir, il a attendu les instructions de l'échelon politique. C'est injustifiable. Mais la responsabilité de l'armée n'exonère pas et n'empêche pas celle de l'échelon politique. Netanyahou savait qu'il nous conduisait à une situation extrême et il a décidé de prendre le risque''.