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Je salue les coups de gueule, lorsqu’ils sont porteurs de sens et de solutions permettant de sortir de l’impasse. Et des impasses, notre pays n’en manque pas.
Je vois rouge, en revanche, lorsque je lis des attaques gratuites qui sapent inutilement la cohésion de notre peuple et compromettent la poursuite du formidable travail de construction initié il y a un peu plus de 76 ans.
Le 14 août dernier, un article accusateur a été publié dans LPH, intitulé‘La Cour suprême, cheval de Troie des ennemis d’Israël ?´. Cet article ajoutait une couche de haine et d’amalgames dans un contexte de tensions internes déjà extrêmes.
Je soutiens qu’Israël est la seule démocratie de la région, tout autant que je juge nécessaire de réexaminer les domaines d’intervention que la Cour suprême s’est arrogés au fil des ans, dans les sphères politiques et militaires.
Mais, alors que nous sommes en guerre depuis plus de 10 mois, je doute que le moment soit propice pour attiser les braises d’une fracture interne… une fracture qui a d’ailleurs eu sa part de responsabilité dans la tragédie du 7 octobre.
Comment peut-on, décemment, alors que nos enfants sont au front dans un combat pour la survie de notre pays, se réjouir de voir notre ‘machine judiciaire bien huilée (…) empêchée de fonctionner’ ?
Ce qui importe, si l’on veut vraiment aborder la question de la reforma, c’est de se poser la question du timing, de la méthode, et des acteurs impliqués dans la refonte du système judiciaire israélien.
Le timing ? Nous sommes en guerre.
Le retour de tous nos otages et l’anéantissement du Hamas en tant qu’organisation politique et militaire devraient être nos seules obsessions du côté du front Sud.
Le timing ? C’est aussi la date de parution de l’article mentionné, publié au lendemain de Tisha be’Av.
Le Talmud ne nous enseigne-t-il pas que le Second Temple a été détruit ce jour-là en raison de la haine gratuite (le Sinat Hinam) ? Le 9 Av est un puissant rappel des dangers de la désunion et de la discorde au sein du peuple juif, et nous nous serions volontiers passés de tout discours conspirationniste au sortir d’une journée consacrée à l’introspection, à l’amélioration des relations interpersonnelles, et à la réconciliation.
La méthode ? Elle nécessite de réunir les parties prenantes à la discorde pour parvenir à une solution.
Les dissensions sont nombreuses au sein de notre société, mais l’objectif ultime est limpide et partagé par le plus grand nombre : parvenir à la paix civile au sein d’un pays mosaïque, agrégat de communautés aussi diverses que déterminées à préserver leurs enfants de nouveaux malheurs à venir.
Quant aux acteurs, il s’agit sans doute de l’aspect le plus sensible, tant l’attention et les passions se cristallisent autour de la figure omniprésente de Benyamin Netanyahou.
Et donc ?
Faire de la pédagogie pour expliquer, en expert, un sujet aussi complexe que la réforme judiciaire, c’est très bien.
Proposer des solutions pour avancer tout en rassemblant, c’est encore mieux (et là aussi, nous comptons sur les experts) !
Mais brouiller les pistes, mêler accusations, insinuations et amalgames, alors que nous traversons l’une des périodes les plus difficiles de notre jeune histoire ?
Étouffer toute possibilité de dialogue et exacerber les passions, pour creuser un peu plus le fossé dans lequel nous risquons tous de tomber ?
Non, merci !
Que la ‘morale juive’ ne soit mentionnée sans que nous l’appliquions d’abord à nous-mêmes. Et qu’il me soit permis de rappeler que notre peuple n’a pas ‘pris conscience de sa force’ récemment. C’est précisément notre emouna, cette confiance constante et inébranlable résultant d’un équilibre entre la raison et la croyance, qui nous a permis de traverser les siècles.
N’a-t-on d’ailleurs pas entendu un certain général, en 1967, pérorer sur ce ‘peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur’…?
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est de garder la tête froide malgré la douleur et ce conflit qui s’éternise.
Israël pourrait faire sienne la définition que Churchill donnait de la démocratie : ‘le pire des systèmes à l’exception de tous les autres’. Loin d’être parfaites, nos institutions ne sont certainement pas les complices des ‘ennemis d’Israël’, cet ensemble flou censé inclure tout ce que notre imaginaire traumatisé serait tenté d’y ajouter.
Restons vigilants : notre boussole ne doit pencher ni à droite ni à gauche, mais clairement pointer vers les véritables responsables de nos malheurs. Et ils ne se trouvent pas de notre côté de la frontière.
Que cette réalité ne nous dédouane ni de nos responsabilités ni de nos erreurs ; l’autocritique sera nécessaire le moment venu. Mais pour l’heure, restons unis et recentrons-nous sur nos priorités : le seul véritable ennemi du peuple juif est l’antisémite et l’antisioniste.
Dès lors, ne donnons aucune occasion supplémentaire à cet ennemi de se réjouir de nos divisions, et gardons constamment en tête les fondamentaux sur lesquels notre pays s’est construit.
Peuple de pionniers, nous avons le courage chevillé au corps. Solidaires les uns envers les autres, nous sommes capables des remises en question les plus sévères. Créatifs sous contrainte, nous ne sommes jamais aussi efficaces que dans l’adversité.
׳עברנו את פרעה, נעבור גם את זה׳
‘Nous avons traversé Pharaon et nous traverserons cela aussi’ : notre peuple a connu bien des vicissitudes, restons unis et ne nous trompons pas d’ennemis.
Boris Janicek est un entrepreneur franco-israélien, fondateur et dirigeant de State of Brand