International

Législatives en France : comme l’eau et l’huile. Par Eden Levi Campana

8 minutes
9 juillet 2024

ParIsraJ

Législatives en France : comme l’eau et l’huile. Par Eden Levi Campana
Copyright Rachel A Silberman

Désolé, votre navigateur ne supporte pas la synthèse vocale.

Ce dimanche, un mois après la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, les Français ont été appelés aux urnes pour le second tour des élections législatives. Les partisans du Nouveau Front Populaire se sont donné rendez-vous place de la République, à Paris, point de ralliement habituel des manifestations successives du peuple d’extrême-gauche.


 

Entre deux tags anti-police et anti-Israël, chaque centimètre de l’ensemble statuaire monumental au cœur de la place de la République est utilisé. « Urgence Palestine » et le mouvement « Antifa » ont habillé de banderoles le socle cylindrique du monument : « stop au génocide à Gaza ». Décidément, depuis le pogrom du 7 octobre, le conflit au moyen-orient aura bien servi la cause islamo-gauchiste.


   


Au niveau du piédestal des dizaines de personnes agitent des drapeaux palestiniens, marocains, algériens, Extinction Rébellion, Action antifasciste, politiques (EELV, LFI, NFP), hurlent des slogans et se déhanchent à qui mieux mieux. Un jeune gaillard jongle avec trois torches enflammées, tandis que d’autres improvisent une ola en vagues successives. Ils brandissent une banderole où est écrit : « Notre front populaire est anticolonial et antirasciste » et un drapeau français portant l'inscription « La France est un tissu de migrations ».


 

Au pied du monument, les organisateurs occupent l’espace sonore. Une vingtaine de personnes en Keffieh rouges, blancs, noirs enchainent les slogans sans discontinuer pendant plus de 2 heures. Autour d’eux, un service d’ordre cagoulé, entièrement vêtu de noir, forment un cordon de sécurité à l’aide d’un filin fluorescent. Dans ce carré les femmes portent essentiellement des hidjab, hijeb turban, Tudong sur des vêtements occidentaux. Les hommes arborent des jeans, vêtements siglés, casquettes américaines, survêtements, Keffieh, barbes de trois jours ou de plusieurs dizaines d’années. 


 

Les slogans se suivent et s’enlacent : « Première, deuxième, troisième génération, on s’en fout, on est chez nous ! », « La rue elle est à qui ? A nous, à nous ! La France elle est à qui ? A nous, à nous ! », « Et tout, le monde déteste les fachos, Bardella casse-toi ! », « Casse-toi Hanouna ! ». L’animateur de « Touche pas à mon poste » avait déclaré sous forme de boutade lors de son émission du 12 juin dernier : « LFI au pouvoir les gars, je pars ». « Qu’il parte » lance une jeune esthète qui en enlace un autre, ça fera un juif de moins à la TV». Une bande de très jeunes gens aux cheveux multicolores rient de son bon mot, avant de reprendre en chœur : « Bolloré dégage, Hanouna aussi ! ».


 

Il y a quelque chose d’immiscible entre ces jeunes personnes qui sont reparties par groupes sur l’ensemble de la place et le reste des 15000 participants. Un peu comme l’eau et l’huile, les uns ne se mélangent pas avec les autres. Ils scandent les mêmes slogans haineux envers Israël, les sionistes et Netanyahou mais chacun entre soi. 


 

A vingt heures l’ambiance est toujours festive quand les premières estimations tombent. Un homme à barbe longue, hilare, annonce le résultat et hurle : « Nous avons gagné ! », imité par la foule. Il reprendra plusieurs fois le micro pour annoncer des résultats, notamment la défaite de Meyer Habib, battu dans la 8e circonscription des Français de l’étranger, où le candidat Les Républicains était élu depuis 2013, dans cette circonscription qui regroupe les Français habitant dans des territoires de la Méditerranée orientale. La nouvelle fait son effet. Les bombes agricoles et les feux d’artifices témoignent de la liesse populaire. On se partage bières et bouteilles de champagne, bières pour les porte-monnaies éprouvés par l’inflation et champagne pour les très jeunes nantis. Pour certains, on se demande s’ils ont l’âge légal de boire de l’alcool.


 

A 21h50 les organisateurs disparaissent comme une volée d’étourneaux. Leur service de sécurité se dirige vers l’extrême gauche de la place. Les derniers à les rejoindre sont houspillés par un grand noir à capuche, qui doit être un parent de « Gregor Clegane dit la Montagne », un des personnages de Game of Thrones : « On doit passer en mode sauvage, sinon les gens vont partir » annonce-t-il avec force de conviction. Ça doit être un des animateurs de la soirée. 


 

Je me dirige dans la direction indiquée. Le service de sécurité et d’autres, déjà cagoulés et vêtus de noir, enfilent des parkas et se mettent à balancer toutes sortes d’objets plus ou moins pyrotechniques vers la police. Ils incendient ce qu’ils peuvent incendier sur leur passage et un freluquet entreprend de briser la vitre d’un abribus à coup de bar de fer et de coups de pieds. Sur la vitre est écrit en lettre rouge : « + d’émeutes - de votes ». L’inscription ne doit pas lui plaire car il assène de violents coups sur la vitre, sans que celle-ci se brise. Une jeune femme à la longue chevelure, vêtue d’un haut noir et d’un jean, s’approche pour aider son camarade désespéré par la résistance de la vitre. Cette dernière ne résiste pas au coup de la jeune femme et vole en éclat.




Copyright Rachel A Silberman

Au centre de la place, les partisans du Nouveau Front Populaire, ceux qui semblent sortir d’un rallye et autres soirées mondaines, dansent autour d’un drapeau palestinien accompagné par une fanfare. Les cuivres détonnent par rapport à l’esprit black bloc de la soirée. Les musiciens sont dos à un conteneur de la place, couleur rouge pompier et tags divers. Des jeunes l’ont escaladé et frappent des pieds contre le métal. 


 

A quelques mètres, au début de l'avenue de la République, du boulevard Voltaire et du boulevard du Temple, les black bloc s’entrainent pour les jeux olympiques en balançant sur les CRS du mobilier urbain en feu, des fusées et autres projectiles puis en piquant des sprints pour échapper à la charge des forces de l’ordre. Il y a des champions. 




Copyright Rachel A Silberman


 

Copyright Rachel A Silberman

Forcément indisposée par les bombes lacrymogènes, la fanfare et ses afficionados s’est déplacée à l’extrême droite de la place pour entonner de vieux tubes français comme « Dans les yeux d'Émilie » de Joe Dassin. A 23 heures, nous sommes loin du titre d’IAM qui inaugurait la soirée électorale ou des slogans antisémites mais en termes de feux et de flammes, les black bloc n’avaient pas encore dit leur dernier mot. Sur les barricades enflammées ils balançaient encore des mortiers avec l’espièglerie qui sied à cette brave jeunesse, à qui appartient la rue et la France. Enfin certaines rues et une certaine France car la fête terminée, certains idiots utiles seront dans de beaux draps. 



Eden Levi Campana