Culture

Philippe Lellouche : « Le silence de certains est assourdissant et j’ai décidé une fois pour toutes que je ne ferai pas partie des silencieux »

7 minutes
28 mai 2024

ParIsraJ

Philippe Lellouche : « Le silence de certains est assourdissant et j’ai décidé une fois pour toutes que je ne ferai pas partie des silencieux »

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Interview réalisée par Caroll Azoulay et publiée dans AJ Mag numéro 1009

 

Il a été l’un des premiers, sinon le premier, à prendre la parole sur un plateau de télévision français, le 15 octobre précisément, pour appeler au réveil des consciences. Depuis, il ne cesse de dire tout haut ce qu’il pense, avec simplicité et intelligence. Philippe Lellouche est acteur et réalisateur. Né à Ramat Gan et frère aîné de l'acteur Gilles Lellouche, il présentera le 24 juin prochain son tout dernier one-man-show : Stand Alone, dans le cadre du Tel Aviv Comedy Festival. Dès les premières minutes de l’entretien, il annonce la couleur en prenant l’initiative des premières questions. Bienvenue dans le monde de Philippe Lellouche !

Philippe Lellouche : Caroll, dites-moi, comment faites-vous pour m’appeler une fois d’Irlande, une fois de Tchéquie, alors que vous êtes censée vous trouver en Israël ?
AJ MAG (surprise) : Aucune idée, je vous confirme que je suis bien en Israël. On ne va pas se la jouer parano, mais peut-être y a-t-il des brouilleurs de réseaux ?

Philippe Lellouche : Bon. Comment ça va en Israël ?
AJ MAG : Comme en Israël : on s’attend chaque minute au pire et au meilleur ! [tentative de reprendre la situation en main] Vous allez venir en Israël dans le cadre du Tel Aviv Comedy Festival fin juin, mais vous étiez déjà là tout récemment, n’est-ce pas ?
P.L. : C’est exact. Je suis parrain du Keren HaYessod et je suis venu passer quelques jours en Israël pour visiter les kibboutzim qui ont été touchés, rencontrer des familles d’otages, assister à des conférences… Que des choses difficiles, mais que j’ai adoré faire.

AJ MAG : Dans quel état d’esprit êtes-vous rentré ?
P.L. : Avec la rage face à cette désinformation permanente. On revient en se demandant comment il est possible de mentir à ce point-là à l’opinion ! Ce n’est pas rassurant, il y a une mauvaise foi évidente de la part des mouvements propalestiniens qui tentent de nier l’ampleur de l’horreur.
Je ne comprends toujours pas comment un si petit pays, de la taille d’un département français, peut focaliser autant l’attention. Je pensais que l’antisémitisme, c’était de l’histoire ancienne – eh bien non, il faut se faire à cette idée, et accepter qu’au lieu d’être traité de sale Juif, on nous dise « sales sionistes » ! Il va falloir apprendre à vivre avec cela. C’est difficile pour notre génération qui a porté un mouvement tel que « Touche pas à mon pote », en pensant que le racisme et l’antisémitisme n’existeraient plus.

AJ MAG : Vous avez été l’un des premiers à dénoncer cela. En avez-vous payé les conséquences sur le plan professionnel ?
P.L. : Il y a évidemment eu des menaces sur les réseaux sociaux. Mais aucunement du côté du public qui, lui, a continué d’affluer aux spectacle, Dieu merci – enfin, j’imagine que les étudiants de Science Po et de la Sorbonne ne viendront pas me voir, mais on ne peut pas plaire à tout le monde… Plus sérieusement : désormais, indéniablement, deux camps s’affrontent, entre lesquels il n’y a plus de discussion possible. Churchill disait : « Face à la mauvaise foi, la bonne foi ne sert à rien. » Si le silence de certains est assourdissant, en ce qui me concerne j’ai décidé une fois pour toute que je ne ferai pas partie des silencieux.

AJ MAG : Jouer en Israël est-il selon vous un acte engagé ?
P.L. : Mais pas du tout ! C’est même fou qu’on puisse l’imaginer ! Si l’on en était arrivé là, je trouverais cela dramatique ! Israël est un pays démocratique. J’ai affirmé haut et fort que j’étais sioniste, ce qui revient en fait à reconnaître l’État d’Israël. Celui qui n’est pas d’accord avec cela, tant pis pour lui !

AJ MAG : Vous recourez beaucoup à l’autodérision dans vos spectacles. Les Israéliens, aux pires moments de la guerre ont eux aussi décidé de rire de situations tragiques, notamment dans l’émission satirique Eretz Nehederet : qu’en pensez-vous ?
P.L. : C’est la force de ce peuple. C’est la marque de fabrique de l’humour juif. Un ami, ancien déporté, me disait qu’il faisait les pires blagues avec un ex-compagnon de camp. C’était leur oxygène. Je suis admiratif de voir comment les Israéliens, après ce qu’ils ont vécu le 7 octobre, continuent de vivre, de rire et de chanter, à l’instar de ces mille musiciens qui se sont réunis à Césarée pour interpréter la magnifique chanson « HaBaïta », comme un grand cri d’espoir.

AJ MAG : Vous êtes optimiste ?
P.L. : Très. C’est ma nature – peut-être parce que je suis né en Israël, même si je n’y ai grandi que quelques mois. Mon père est originaire d’Algérie, ma mère est bretonne. Mon père a emmené ma mère en Israël au début de leur histoire, et c’est là que je suis né. Je ne sais pas si c’est la raison pour laquelle, quand Israël est attaqué, je suis blessé dans ma chair.
Lorsque je vois que certains reprennent les arguments du Hamas pour en faire des arguments politiques et une cause électorale en France, je me dis qu’on est en plein délire. LFI n’a pas mieux à faire ? Cela dépasse les pires scénarios !

AJ MAG : Vous serez en Israël le 24 juin pour votre one-man-show : Stand Alone. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie, le courage de faire un seul en scène ?
P.L. : Quand j’écris du théâtre, je prends un sujet qui m’énerve ou qui m’attriste, je le tourne dans ma tête pour en tirer quelque chose de drôle et je construis une structure, des personnages sur le thème en question. Depuis le 7 octobre, mais bien avant en fait, tant de choses m’énervent et m’attristent que j’aurais dû écrire mille pièces de théâtre ! C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de faire ce one-man-show pour m’adresser aux gens de ma génération et dénoncer l’absurdité de l’époque dans laquelle on vit. Nous étions beaucoup plus heureux il y a quarante ou cinquante ans.

AJ MAG : Répéter que c’était mieux avant, n’est-ce pas tomber dans un cliché ?
P.L. : Il faut l’assumer. Ceux qu’on désignait comme des « réacs » lorsque j’étais jeune, c’étaient les gens qui voulaient plus d’ordre et de sécurité. Nous qui sommes traités de « nouveaux réacs’ » par les jeunes d’aujourd’hui, nous voulons juste plus de liberté. Je me définis comme un « anar » de droite et je l’assume.
Au nom de la santé et de la sécurité, on a accepté une foule de petits interdits qui ont peu à peu, et presque à notre insu, grignoté notre liberté, La Liberté. Aujourd’hui, on a la sensation que tout est interdit, alors que nous avons grandi dans une époque où rien ne l’était. Dans mon spectacle, je me moque de tout cela avec beaucoup de second degré et les gens rient énormément. « On a eu l’impression de dîner avec un copain » : c’est le meilleur compliment que j’ai entendu à la fin d’un de mes spectacles.
Le politiquement correct nous empêche de penser ce que nous voulons. Pour en revenir à Israël, une certaine police de la pensée veut par exemple nous faire croire que les méchants ne sont pas ceux que l’on croit. Eh bien si : ce sont bien eux les méchants !

Comment voyez-vous l’avenir ?
On est dans une période d’extrêmes, mais on va obligatoirement revenir vers quelque chose de plus équilibré. Il ne peut pas en être autrement.

Que dites-vous à vos quatre enfants quand ils sortent le soir ?
N’oubliez pas d’être heureux !

Philippe Lellouche et Ary Abittan débarquent à Tel Aviv les 24 et 25 juin prochains, dans le cadre de la troisième édition du Tel Aviv Comedy Festival. Deux soirées de rire inoubliables avec des artistes exceptionnels !
Réservez vos places dès maintenant :
Philippe Lellouche : Stand Alone
Lundi 24 Juin à 21h
Théâtre Beit ha'Hayal, Tel Aviv
https://telavivcomedyfestival.com
De 170 à 420 shekels
Ary Abittan : Authentique
Mardi 25 Juin à 21h
Théâtre Beit ha'Hayal, Tel Aviv
De 170 à 420 shekels
https://telavivcomedyfestival.com

 

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