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Les juifs sont très présents dans le Coran, qui les qualifie tantôt de Banu-Isra’il (Enfants d’Israël, expression calquée de l’hébreu), al-yahûd (juifs) ou encore ahl al-kitab (peuple du Livre). Cette dernière expression est ambivalente, explique Meir Bar-Asher, car le peuple du Livre est parfois qualifié dans la tradition musulmane « d’âne chargé de livres », c’est-à-dire un peuple porteur d’un héritage dont il n’est pas digne. Cette qualification renvoie à l’accusation récurrente envers les juifs, selon laquelle ils auraient « falsifié » les textes sacrés dont ils étaient dépositaires.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’appellation de “meilleure communauté”, par laquelle le Coran désigne les musulmans (Sourate 3-110). Si les musulmans sont devenus la meilleure communauté, c’est en effet parce que les juifs ont failli à leur mission et que Dieu les a donc punis. L’islam incarnerait alors le “Nouvel Israël”, dans une optique théologique qui rappelle celle de la polémique chrétienne antijuive et du “Verus Israël”.
Dans le lexique politique de l’islamisme contemporain et dans celui du Hamas, il est utile de le préciser, c’est l’appellation al-yahud qui prédomine de manière quasiment exclusive. Le combat du Hamas ne vise pas les « enfants d’Israël » ou le « peuple du Livre », mais bien les Juifs, le mouvement islamiste ayant totalement occulté l’identité israélienne dans son vocabulaire. Ce combat contre les juifs est central, essentiel et ne peut se terminer que par la victoire de l'islam. Cela ressort tout autant de l’actualité la plus brûlante que de l’analyse de la Charte du Hamas, encore trop méconnue et souvent interprétée à tort.
Le préambule de la Charte du Hamas affirme pourtant de manière claire la centralité du « combat contre les Juifs », qui doit être mené « jusqu’à ce que [les] ennemis soient vaincus et que la victoire d’Allah soit établie ». Un des passages clés de la Charte du Hamas, qui éclaire la vision du monde du mouvement islamiste palestinien, est le Hadith cité dans l’article 7 : « L’Heure ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs et les tuent ; jusqu’à ce que les Juifs se cachent derrière des rochers et des arbres, et ceux-ci appelleront : O Musulman, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens et tue-le ! »
Ce Hadith, cité sur d’innombrables sites Internet musulmans, signifie que le « combat contre les juifs » constitue pour le Hamas un impératif non seulement politique, mais eschatologique. L’affrontement avec les Juifs n’est pas seulement le moyen de récupérer la terre de Palestine, qui constitue un Waqf musulman inaliénable, mais il est la condition sine qua non à la venue de la Fin des temps. Les observateurs non-musulmans, souvent ignorants de la vision du monde islamiste en général, et de ses croyances eschatologiques en particulier, sont enclins à croire que l’islamisme n’est qu’un extrémisme de façade, et qu’il suffit qu’il soit confronté au pouvoir pour qu’il devienne plus « réaliste » et pragmatique... C’est précisément cette erreur de conception qui a permis la situation dans laquelle Israël vit depuis bientôt deux décennieset leterrible piège dans lequel Israël est tombéle samedi 7 octobre.
La vision apocalyptique de l’affrontement ultime avec Israël du Hamas exclut toute possibilité de coexistence ou de modération, et elle est identique à celle des mouvements djihadistes les plus radicaux. Loin d’être un épiphénomène, l’antisémitisme du Hamas constitue le cœur de sa doctrine politico-religieuse. Au vu de ce qui précède, la guerre dans laquelle Israël est aujourd’hui plongé ne peut avoir qu’un seul objectif : l’annihilation totale du Hamas, de ses infrastructures civiles et militaires et de ses dirigeants.
Pierre Lurçat
Cet article est paru originalement dans une version écourtée sur le site du CAPE.