L'affaire a pris le nom d'affaire Pegasus, du nom du logiciel espion de la société NSO, utilisé pour ces écoutes.
En vertu de la loi sur les écoutes confidentielles, la police a le droit de faire usage de cette méthode uniquement si elle dispose d'un mandat délivré par un juge. Puis ce n'est qu'après la saisie du téléphone dans le cadre d'un mandat de perquisition qu'elle peut en extraire les informations.
D'après Tomer Ganon, la police a utilisé à distance le logiciel pour écouter des milliers de citoyens sans aucun mandat judiciaire.
Une fois les preuves réunies de manière illégale, la police arguait du fait d'avoir en sa possession des informations sur la base du renseignement qui justifiait une enquête clandestine. Elle demandait alors un mandat pour examiner le contenu des téléphone et en extrayait les informations, cette fois légalement.
Le site économique Calcalist avait fourni une longue liste de personnes qui auraient été visées par ces pratiques illégales. A part des proches, y compris familiaux, de l’ancien Premier ministre Binyamin Netanyahou et l’ancien directeur-général du ministère des Communication Shlomo Filber, aujourd’hui, témoin à charge contre Netanyahou, on y trouve des personnalités diverses telles que des journalistes, des maires, des hauts-fonctionnaires au sein de ministères, des directeurs-généraux d’établissements publics, des présidents de syndicats et des hommes d’affaires. De nombreux faiseurs d’opinion ou preneurs de décisions, hauts placés ont ainsi pu être soumis à des pressions ou à du chantage.
Ces révélations avaient provoqué un tel choc que la ministre de l’Intérieur de l'époque, Ayelet Shaked, avait parlé de “tremblement de terre avec des pratiques dignes des régimes les plus sombres”.
Ces méthodes ont été introduites par le commandant de la police de l'époque, Rony Alcheikh, qui, rappelons-le, était le numéro 2 du Shabak avant d'occuper ce poste.
Le 23 janvier 2022, le journaliste Yoav Itshak, révèle que ces écoutes illégales ont été utilisées contre plusieurs personnes impliquées dans les procès Netanyahou.
La police a alors annoncé qu'elle allait enquêter sur ces agissements, ce qui a suscité un tollé, notamment à droite de l'échiquier politique: comment la police peut-elle enquêter objectivement sur ses propres agissements? D'ailleurs, l'enquête de la police a conclu qu'aucune action n'était illégale, ce qu'a confirmé Avihaï Mandelblitt, alors conseiller juridique du gouvernement.
Les députés de droite, alors dans l'opposition, ont réclamé l'ouverture d'une commission d'enquête indépendante. Dans un communiqué ils disaient “refuser la tentative d’étouffement de l’affaire” au moyen d’une vérification superficielle” et exigeaient la création d’une commission d’enquête nationale. Le texte poursuivait : “Il n’est pas admissible que la police enquête sur elle-même avec une vérification superficielle, sans que quiconque n’ait été convoqué pour être interrogé et sans empêcher des tentatives d’obstruction ou de coordination de versions entre les personnes impliquées. Le public a droit à ce qu’on lui présente une image complète sur l’ampleur de l’espionnage contre des citoyens et l’utilisation qui a été faites des données subtilisées”.
En novembre 2022, le Parquet a reconnu l'usage sans mandat du logiciel Pegasus concernant l'affaire 3000 contre Netanyahou, dite des sous-marins. D'après les dires du Parquet, les informations recueillies illégalement n'ont pas été transmises aux enquêteurs.
Jusqu'en mai 2023, la police va reconnaitre l'utilisation illégale d'écoutes sur 12 citoyens israéliens. Huit d'entre eux sont impliqués dans les procès Netanyahou.
Au mois de juillet 2023, le ministre de la Justice, Yariv Levin, a annoncé la formation d'une commission d'enquête indépendante sur l'utilisation du logiciel Pegasus de manière illégale contre des citoyens israéliens.
Levin a annoncé que la commission enquêterait sur l'attitude de la police, du Parquet et des institutions qui les supervisent, dans le cadre de l'affaire Pegasus.
Le gouvernement doit déterminer les compétences précises de cette commission qui sera dirigé par l'ancien juge Moshé Drori.
Gali Baharav Miara, la conseillère juridique du gouvernement, a annoncé à Yariv Levin que la commission ne pourrait pas traiter d'affaires en cours. En d'autres termes, elle souhaite interdire à la commission de se pencher sur les affaires reprochées à Netanyahou alors qu'elles sont précisément au coeur des soupçons d'utilisation illégale de ce logiciel d'écoutes.
Pour Baharav Miara, si la commission se mêlait des affaires en cours, il y aurait un risque ''d'obstruction du processus judiciaire dans ces dossiers'' et cela porterait atteinte à ''l'indépendance du travail des institutions d'application de la loi''. Par ailleurs, elle souligne que si le gouvernement conférait de tels pouvoirs à la commission d'enquête, il existerait un soupçon de ''conflit d'intérêt pour Netanyahou en raison de l'influence possible du travail de la commission sur les dossiers pénaux en cours contre lui''.
Le ministre Levin a réagi à cette prise de position de la part de la conseillère juridique du gouvernement: ''Le fait qu'elle s'ingère dans un sujet qui est censé, entre autres, vérifié la manière dont l'institution à la tête de laquelle elle est, s'est comportée, ne peut que surprendre. Le conflit d'intérêt dans lequel se trouve le conseil juridique du gouvernement dans ce sujet est criant''.
La députée Tally Gottlieb (Likoud) a posté sur X (anciennement Twitter): ''Ne soyez pas triste Mme Baharav Miara, vous ne pouvez pas vous mêler de tout. Le gouvernement va enfin voter pour la mise en place de la commission d'enquête et il ne vous demandera pas l'autorisation. Pourquoi? Parce que c'est ainsi que la loi le prévoit. Votre réaction, en passant, montre la nécessité absolue de cette commission, je me demande bien ce que vous voulez cacher et qui vous protégez. Ne vous inquiétez pas, nous le découvrirons, que vous le vouliez ou non''.
Le journaliste, Avi Weiss, a déclaré ce matin (mercredi) sur Galei Israël: ''La conseillère juridique du gouvernement ne s'est pas opposée à la mise en place d'une commission d'enquête sur les sous-marins, sur le drame de Meron ou sur l'évasion des prisonniers de Guilboa (toutes ces commissions ont été nommées par le gouvernement Bennett-Lapid, ndlr). Dans tous ces cas, il y avait des procès en cours et des procédures pénales en parallèle, mais cela ne l'a pas dérangée. Le ministre Levin lui a bien répondu quand il lui a dit qu'elle était la première suspecte. Qui est-elle pour dire sur quoi la commission a le droit d'enquêter?''.
Le député Moshé Saada (Likoud), ancien chef adjoint de la police des polices, a résumé la position de Baharav Miara: ''Donc que dit la conseillère juridique du gouvernement? Il se peut que des preuves aient été recueillies illégalement, tout en commettant de graves infractions pénales d'atteinte à la vie privée des citoyens en violation de la loi, mais il s'agit, entre autres, de Netanyahou alors ne vérifiez surtout pas. Il ne faudrait pas que vous trouviez quelque chose qui enterre définitivement les dossiers contre lui''.