Vie politique

Deuxième jour d’audience pour Yaïr Lapid au procès de Binyamin Netanyahou

7 minutes
13 juin 2023

ParIsraJ

Deuxième jour d’audience pour Yaïr Lapid au procès de Binyamin Netanyahou
Photo by Yonatan Sindel/Flash90

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L'interrogatoire de la Défense en ce deuxième jour d'audience pour le témoin Yaïr Lapid, au procès de Netanyahou, n'aura duré qu'un peu plus de deux heures.

L'avocat du Premier ministre, Me Amit Haddad, a tenté de démontrer les liens entre Lapid et Milchan, et de pointer les incohérences dans les différentes dépositions de Yaïr Lapid afin de prouver que Netanyahou n'a pas agi de manière exceptionnelle ou illégale envers l'homme d'affaires Arnon Milchan pour lui accorder des exemptions fiscales.

Il a commencé son interrogatoire en évoquant le bénéfice politique que Yaïr Lapid a pu retirer d'une mise en examen de son principal rival.

Me Haddad: En décembre 2014, lorsque vous étiez ministre des Finances, vous avez été limogé du gouvernement Netanyahou. Déjà avant ce limogeage, des articles avaient été publiés sur vos relations conflictuelles. Depuis vous n'avez jamais réintégré un gouvernement sous Netanyahou. En 2017, pour la première fois votre parti est en tête des sondages, au moment où sont menées des enquêtes contre Netanyahou et sur lesquelles vous vous étiez exprimé. Vous aviez compris qu'il y avait une opportunité politique liée à ces enquêtes.

Lapid: Vous essayez de dire que tout cela me réjouissait. Mais c'était un triste jour pour l'Etat d'Israël, un triste statut pour moi. Le jour où un Premier ministre est mis en examen pour des infractions pénales aussi graves est un triste jour pour l'Etat. Ce n'est pas la manière dont je veux gagner des élections politiques et il est dommage que tout cela arrive.

Me Haddad: Vous briefez les journalistes en disant que depuis que vous êtes entré en politique vous n'avez jamais accepté de cadeaux.

Lapid: Je trouve cela triste que vous soyez obligé de souligner cette phrase qui devrait être naturelle pour tout homme public en Israël. Un homme politique droit et honnête n'accepte pas de cadeaux.

Me Haddad: Lorsque les enquêteurs vérifient les soupçons de corruption contre le Premier ministre, Milchan raconte l'épisode de l'exemption fiscale. Il dit qu'il n'a jamais rien reçu de la part du Premier ministre mais que ''Lapid m'a aidé''. Vous êtes au courant?

Lapid: Non

Me Haddad: Il dit qu'il n'a pas parlé avec Netanyahou de l'amendement à la loi fiscale pour les citoyens de retour, mais avec vous oui. Netanyahou n'était pas impliqué dans ce sujet. L'enquêteur lui a demandé s'il avait parlé avec Lapid quand il était ministre des Finances, Milchan a répondu par l'affirmative. C'est Milchan qui l'a dit aux enquêteurs, vous n'en avez rien dit.

Lapid: Il n'est écrit nulle part que je l'ai aidé.

Puis Haddad raconte que Milchan a fait état de l'implication de Rotem Wolf, la conseillère économique de Lapid et qu'il avait rencontré Lapid chez ce dernier.



Me Haddad projette à cet instant devant la Cour un passage d'une interview de Yaïr Lapid sur la chaine N12 avec Yonit Lévy. La journaliste lui demande pourquoi il n'a pas refusé d'emblée de traiter du sujet sachant que Milchan était un ami. Lapid a répondu dans l'interview qu'il avait averti le ministère de la Justice qu'ils étaient amis, ce qu'il a confirmé devant la cour.

Mais l'avocat de Netanyahou a alors présenté la déclaration de conflit d'intérêt déposée par Lapid au ministère de la Justice lorsqu'il a été nommé ministre des Finances, le nom d'Arnon Milchan n'y figure pas.

Lapid s'est défendu devant le tribunal: ''C'est parce qu'il n'y avait aucun conflit d'intérêt''. Me Haddad a insisté et finalement Lapid a déclaré: ''Je ne me souviens plus si j'ai rapporté les liens qui existaient entre nous. Mais le fait que j'ai travaillé pour lui 20 ans auparavant, figure sur ma page Wikipédia''.

Haddad a ensuite montré à la Cour un post écrit sur FaceBook par Lapid: ''En 2013, j'ai signé une déclaration de conflit d'intérêt. Il est évident que j'ai parlé de Milchan, mais le fait que j'ai travaillé chez lui quelques mois au cours des années 90 ne signifie pas qu'il existait un conflit d'intérêt''.

Lapid a redit à cet instant qu'il avait signalé cette relation d'amitié au ministère de la Justice mais que cela n'avait pas été écrit dans la déclaration. ''C'est une question de ressenti. J'ai beaucoup d'amis, il ne fait pas partie de mes cinq meilleurs amis, ni même des dix ou des quinze''.

Me Haddad cite alors une information recueillie par le journaliste Erel Segal auprès du ministère des Finances, selon laquelle, Lapid n'a pas mentionné ses liens avec Milchan au moment de la rédaction de la déclaration de conflit d'intérêt.

Lapid: ''Je ne me fierais pas à Erel Segal''

Me Haddad: ''Ce sont les données du ministère des Finances''

Lapid: ''C'est très possible mais je ne dirais pas qu'il existe de conflit d'intérêt avec Milchan puisque je n'ai jamais rien reçu de sa part''.

 

Me Haddad revient sur la rencontre entre Milchan et Lapid chez ce dernier:

Me Haddad: Vous avez raconté autre chose à la police, vous vous souvenez?

Lapid: Pas mot pour mot. Autant que je m'en souvienne, j'ai dit aux enquêteurs que ma réponse à Milchan avait été non.

Me Haddad: Vous avez dit aux enquêteurs que vous l'avez écouté poliment, et que vous avez répondu que vous alliez consulter l'échelon professionnel du ministère. Vous vous êtes quittés sur ça.

Lapid: Oui. J'ai dit à Arnon par téléphone que ce serait non.

Me Haddad: C'est inexact. Lors de l'enquête vous avez déclaré que vous aviez dit au téléphone à Milchan que vous étiez prêt à considérer la demande d'exemption fiscale (par une loi, ndlr) pour une personne qui installerait une société qui emploierait 50 personnes ou qui apporterait des millions, dans ce cas vous étiez disposé à parler d'une exemption fiscale. Mais il n'était pas question pour vous de donner une exemption sur 20 ans.

Lapid: Cette dernière phrase prouve que cela ne se produirait pas. Je n'ai rien reçu de la part de Milchan et je pouvais prendre la décision qui me paraissait la bonne pour l'Etat d'Israël.

Me Haddad: Vous ne dites pas que cela ne se produira pas, vous dites que vous êtes disposés à examiner le cas si quelqu'un installe une société avec 50 employés.

Lapid: Je lui ai dit non.

Juge Baram: Mais vous avez quand même parlé de l'option d'une société avec 50 employés, y-a-t-il un rapport?

Lapid: Je pensais que ce ne serait pas bon pour l'Etat d'Israël et je le pense toujours. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas promu ce changement de loi. On ne peut contester que je n'ai pas autorisé la prolongation de l'exemption fiscale.

 

Me Haddad a ensuite mis en avant des vices de procédure dans l'enquête. Le parquet a fait passer au témoin des documents relatifs à l'enquête, ce que Me Haddad qualifie d'illégal.

 

Puis l'avocat de Netanyahou est revenu sur un document de Rotem Wolf dans lequel elle écrit noir sur blanc que Lapid a demandé d'examiner la faisabilité d'un changement de la loi comme le demandait Milchan.
Lapid a répondu que dans tous les cas, il n'agissait pas en situation de conflit d'intérêt puisqu'il n'a jamais rien reçu de Milchan. Et il répète qu'il s'est opposé à l'idée.

Me Haddad: Existe-t-il un document qui prouve que vous avez dit non?

Lapid: Pas en ma possession.

 

Pour finir l'interrogatoire, Me Haddad a posé quelques questions à Yaïr Lapid sur le dossier 2000 (Affaire Netanyahou-Mozes Yediot Aharonot). Bien que n'étant pas appelé à la barre sur ce sujet, l'avocat a le droit de lui poser des questions, ce qu'il a fait.

 

L'audience a été levée, le témoignage de Lapid est terminé. Avant de sortir de la salle d'audience, Yaïr Lapid a salué les juges et leur a lancé: ''Je ne voudrais pas être à votre place''.