Ce qui a commencé comme une protestation contre la réforme du système judiciaire s'avère une machine très organisée dont l'objectif - faire tomber le gouvernement et en particulier Binyamin Netanyahou - a été dessiné déjà avant les élections.
Plus les semaines passent, plus des révélations sont publiées concernant les coulisses des manifestations contre le gouvernement. Des rencontres entre les leaders du mouvement avaient déjà eu lieu avant les élections, en prévision d'une victoire du bloc de droite. Ehud Barak avait déclaré à la presse que si Netanyahou gagnait, il ferait sortir un million de personnes dans les rues. Parmi les membres de ce groupe, on retrouve des militants de la première heure des manifestations de Balfour, le mouvement Crime Minister avec à sa tête Ishay Hadas, Roee Neuman et Shikma Bressler, notamment.
La victoire de la droite actée et alors que le gouvernement n'a pas encore prêté serment, ce petit groupe prévoyait de passer à la vitesse supérieure. L'un des participants, Guilad Sher, était l'ancien directeur de cabinet d'Ehud Barak lorsqu'il était Premier ministre. Celui-ci reconnait dans une interview, il y a quelques semaines, que la protestation a été programmée et budgétée avant même le résultat des élections, avant même que la réforme judiciaire ne soit présentée par le ministre de la Justice. Son but: faire tomber le gouvernement.
Le 5 janvier dernier, le ministre de la Justice, Yariv Levin, présente sont projet de réforme du système judiciaire. Son intervention suscite autant de joie d'un côté que de craintes et de colère de l'autre. Si beaucoup sont convaincus par la nécessité d'une réforme de la justice, ils n'approuvent pas la manière de faire de Levin.
Du coup, au petit groupe qui oeuvre pour faire tomber le gouvernement, s'agrègent plusieurs personnes mues par une réelle volonté de s'opposer à la réforme judiciaire mais pas de contester le résultat des élections.
Le mouvement prend de l'importance, les slogans, sortis tout droit de grandes agences de communication, fonctionnent et plusieurs dizaines de milliers de personnes voire plus de 100000 à l'apogée du mouvement, sortent dans les rues.
La protestation possède plusieurs visages, des personnes issues de l'élite, d'anciens chefs d'Etat-major, d'anciens Premiers ministres. Plusieurs ont même tenté de se faire élire et ont lourdement échoué. Il s'agit d'Ehud Barak, Ehud Olmert, Moshé Yaalon, Dan Halutz.
Mais au fond, le but de ceux qui tirent les ficelles n'est pas d'enterrer la réforme judiciaire. Ce qui leur pose problème, c'est le gouvernement en place, quoi qu'il fasse. La preuve viendra après que Netanyahou annonce le gel de la réforme afin de laisser le temps de mener des négociations avec l'opposition, sous l'égide du Président de l'Etat.
Dès lors, les rangs des manifestants du samedi soir s'éclaircissent, le mouvement s'essouffle. Il ne reste que le noyau dur, celui qui ne connait pas de limites, qui n'hésite pas à utiliser un vocabulaire outrancier et à faire usage de méthodes violentes.
Ainsi, on a pu entendre l'un des membres les plus actifs de la protestation, qui se fait appeler Costa Black, déclarer: ''Netanyahou est un dictateur et il finira comme tous les dictateurs'', et de préciser: ''Regardez comment a fini Ceaușescu''.
Depuis que la réforme a été suspendue, le mouvement se radicalise. Plus aucun ministre ou député de la coalition ne peut se déplacer sans se retrouver au milieu d'une manifestation et sans faire l'objet d'insultes voire de tentatives d'atteintes physiques.
Pas plus tard qu'hier (dimanche), le ministre des Infrastructures et de l'Energie, Israël Katz, en a fait les frais: ''Gros'', ''Porc'', ''Collaborateur de Poutine'' sont quelques uns des quolibets entendus. Puis le ministre a été victime de crachats. On pourrait aussi citer l'épisode à l'université de Tel Aviv, lorsque le député Simha Rotman a été empêché de parler dans un colloque où il avait été invité, les attaques contre Nir barkat, Idit Silman, Boaz Bismuth, ou encore le nombre de fois où des ministres et députés ont préféré renoncer à être présents dans des événements car ils étaient menacés par des manifestants.
Ce ne sont que des exemples parmi d'autres de la terreur que font régner ceux qui prétendent défendre la démocratie mais dans les faits n'agissent que dans un but: empêcher tous ceux qui ne pensent pas comme eux de parler et entrainer la chute du gouvernement largement élu.
Comme le fait remarquer le journaliste Kalman Libeskind dans son éditorial dans Maariv: ''Ils ne veulent pas gagner le débat. Ils veulent l'empêcher d'avoir lieu''.
Les manifestations se succèdent mais chaque semaine, les slogans changent, le mouvement se cherche, la cause qui rassemble la foule fait défaut.
Les têtes pensantes de la protestation, au lieu de calmer les esprits, s'attachent à les échauffer toujours plus. Ehud Olmert a appelé, dès le début, à une ''guerre. Une guerre ne se mène pas par des discours et des colloques académiques, mais face à face''.
Ehud Barak ne cesse d'inciter à la ''rébellion civile''. Et il décrit dans une interview sur la chaine 12, samedi dernier: ''La protestation doit changer de visage. Elle doit passer d'une protestation calme et civilisée à la désobéissance. Bloquer les routes, organiser des grèves générales, appeler au boycott, ne plus payer ses impôts''.
Le journaliste Motti Kastel, de la chaine Now 14, a révélé hier, l'existence d'un groupe whatsapp qui regroupe ceux qui tirent les ficelles de cette protestation: Ehud Barak, Ehud Olmert, Moshé Yaalon, Ishay Hadas, Shikma Bressler, Dan Halutz, tous sont mobilisés pour réanimer un mouvement qui tend à s'éteindre faute de soutien populaire.
Les élites derrière ce projet échangent sur Whatsapp afin de trouver, selon leurs propos, ''un événement dramatique'' qui mobilise à nouveau le public. En effet, les chefs de la protestation le reconnaissent sur ce groupe: ''Nous nous sommes beaucoup affaiblis. Nous devons créer un scénario qui nous rallie beaucoup de monde. C'est le moment''.
Le plan est d'organiser un blocage de l'aéroport dans les prochains jours.
Dans les échanges révélés par Motti Kastel, on peut lire qu'Ehud Barak soulève le problème des amendes que recevront les manifestants qui bloqueront l'accès à l'aéroport avec leurs voitures. Il propose de créer un fonds pour financer cela. Et il parie sur le fait que finalement peu d'automobilistes seront sanctionnés: ''Ils ne vont pas distribuer 2000 ou 3000 PV'', écrit-il.
Ces échanges témoignent des efforts de réflexion et de la mobilisation financière derrière les manifestations contre le gouvernement. Ils montrent une organisation souterraine, d'une certaine élite qui court-circuitent les chefs de l'opposition élus pour alimenter un mouvement populaire dans le but de faire trembler le pouvoir en place.