Judaïsme

Parachat Chemot: Moïse notre maître. Par Rav S.D. Botschko

4 minutes
13 janvier 2023

ParIsraJ

Parachat Chemot: Moïse notre maître. Par Rav S.D. Botschko

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« Et Moïse vit un homme égyptien frappant un homme hébreu, un de ses frères... Il frappa l’Égyptien et l’ensevelit dans le sable. »

Le rabbin Munk, dans son célèbre commentaire sur le Pentateuque, La Voix de la Thora, s’interroge sur le droit que Moïse s’est arrogé de tuer l’Égyptien :

« Les coups portés par lui (l’Égyptien) à l’Hébreu avaient-ils été mortels ou non ? Rabbi Eliézer affirme qu’ils l’avaient été. Aussi Moïse était-il en droit d’abattre l’Égyptien. Mais rabbi ‘Hanina affirme le contraire. La question se pose alors de savoir de quel droit Moïse a pu l’abattre. D’après rabbi Lévi, Moïse a voulu châtier l’Égyptien, mais il l’a tué involontairement. La loi des villes de refuge prévue pour le meurtrier sans préméditation était, en conséquence, applicable à son cas, et Moïse y obéit en s’exilant au pays de Midian. Vers la fin de sa vie, il prit toutes les dispositions nécessaires à la prompte exécution de cette loi... car il vit en elle le moyen d’expier le meurtre qu’il avait sur la conscience. Il s’entendit encore reprocher ce crime de jeunesse pour lequel, avant sa mort, il implora la grâce divine afin d’entrer en Terre Promise. »

Dans ce texte, le rabbin Munk veut accréditer la thèse selon laquelle Moïse aurait commis une faute en tuant l’Égyptien. Ce commentaire pose une question de fond sur l’attitude que l’on doit adopter envers ceux qui frappent nos frères.

La lecture du texte ne semble laisser aucune équivoque. En effet, cette histoire est racontée dans la Thora avant que Dieu ne désigne Moïse pour libérer le peuple d’Égypte. C’est bien pour son courage que Dieu le choisit. Et en examinant de près chacune de ces citations, il semble que les textes talmudiques et midrachiques accentuent encore le mérite de Moïse. En effet, la Guémara Sanhédrin, qui enseigne que l’Égyptien ne faisait que frapper l’Hébreu, déduit de la réaction de Moïse la loi suivante : « un idolâtre qui frappe un Hébreu est punissable de mort ». Aussi, utiliser ce texte pour mettre en question la conduite de Moïse, c’est faire dire au texte le contraire de ce qu’il dit.

Rabbi Lévi du Midrach Rabba, cité par le rabbin Munk, ne dit pas que Moïse a tué l’Égyptien involontairement. Il répond à la question du Midrach sur la raison qui a poussé Moïse à établir des villes de refuge. Il répond en ces termes : « Celui qui a mangé d’un mets en connaît le goût ». Ce qui signifie que Moïse comprend l’angoisse d’un fuyard, puisqu’un jour il a dû fuir. Mais l’analogie s’arrête là, comme l’attestent d’ailleurs les commentateurs du Midrach.

Lorsqu’on tue pour une noble cause, non seulement on ne diminue pas ses mérites, mais on peut en être récompensé, comme Pin‘has, qui est devenu Cohen après avoir tué Zimri et Kozbi. La loi citée par le rabbin Munk ne peut donc s’appliquer à Moïse.

J’ai cherché dans le Midrach[10] sur la mort de Moïse, la dernière citation du rabbin Munk, et j’ai trouvé un texte qui commente le verset : « Qui n’a pas pris en vain son âme » disant qu’ « il s’agit de Moïse qui a eu le droit de prendre l’âme de l’Égyptien ».

Ne doutons pas de Moïse, notre Maître. Toutes ses paroles sont un enseignement. Tous ses comportements des modèles[11].

 

Exode ii, 12.

Pirqé deRabbi Eliézer, 48.

Sanhédrin 58b.

Deutéronome Rabba, 2.

Ibidem.

Midrach sur la mort de Moïse.

Chap. 2, § 29.

Pérouchim Maharzou et Mirkin.

Paracha Pin‘has.

[10] Dévarim Rabba 11, 25. À noter qu’il s'y trouve une opinion qui va dans le sens du Rabbin Munk.

[11] Le commentaire du rabbin Munk est, en langue française, le meilleur commentaire systématique du Pentateuque. Notre remarque d’aujourd’hui n’entame en rien l’admiration que nous portons à son œuvre immense.

 

Extrait de l'ouvrage du Rav Shaoul David Botschko ''A la table de Shabbat''

Pour se procurer l'ouvrage :

hesder2@gmail.com
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