Vie politique

La présidente de la Cour suprême dans un discours offensif contre la réforme Levin

6 minutes
12 janvier 2023

ParIsraJ

La présidente de la Cour suprême dans un discours offensif contre la réforme Levin
Photo by Shir Torem/Flash90

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Ce soir (jeudi), Esther Hayot, la présidente de la Cour suprême a tenu un discours particulièrement offensif contre la réforme du système judiciaire présentée par le ministre de la Justice, Yariv Levin.

 

''Il s'agit d'une attaque sans filtre contre le système judiciaire'', a-t-elle affirmé, ''comme s'il s'agissait d'un ennemi sur lequel il fallait se précipiter pour le soumettre. C'est un programme destiné à écraser le système judiciaire. Il a pour but de frapper d'un coup mortel l'indépendance du pouvoir judiciaire et de le transformer en autorité silencieuse.

Cette année, l'Etat d'Israël fêtera ses 75 ans en tant qu'Etat juif et démocratique. C'est une étape importante dans la vie d'un Etat. Hélas, si la réforme présentée est appliquée, la 75e année de l'Etat sera celle où son caractère démocratique aura été piétiné.

Ces derniers jours, nous avons entendu comme argument central pour justifier ce projet qu'il correspond à la volonté de la majorité. ''Le pouvoir de la majorité'' est, en effet, un principe fondamental qui est à la base du régime démocratique - mais la démocratie n'est pas que le pouvoir de la majorité. Tout ceux qui soutiennent que la majorité qui a élu ses représentants leur a donné un chèque en blanc pour faire tout ce qu'ils veulent, n'est pas un démocrate''.

La juge Hayot a ensuite expliqué que le programme du gouvernement revenait à retirer aux juges les outils dont ils diposent pour protéger les individus et l'Etat de droit.

Elle a également rejeté l'argument selon lequel la Cour suprême avait invalidé de nombreuses lois votées par la Knesset. Elle a avancé le chiffre de 21 lois invalidées en 30 ans, ce qui est beaucoup moins que dans beaucoup d'autres démocraties occidentales, a-t-elle affirmé.

''Le pouvoir judiciaire en Israël émet une critique juridique effective et responsable sur les activités du gouvernement et de la Knesset, et ce faisant il remplit un rôle important dans le systèmes de freins et de contre-pouvoirs qui sont à la base de l'idée démocratique sur laquelle l'Etat d'Israël a été fondé. La responsabilité de la préservation de l'Etat de droit et des droits individuels en Israël ne repose pas uniquement sur le pouvoir judiciaire, les autres pouvoirs aussi doivent apporter leur contribution à cette mission nationale de la plus haute importance''.

 

Gali Baharav Miara, la conseillère juridique du gouvernement, s'est aussi exprimée ce soir contre la réforme: ''Les propositions de lois sont basées sur l'acceptation selon laquelle, le pouvoir de la majorité est le principe fondamental de la démocratie. Il s'agit, en effet, d'une condition indispensable pour l'existence de la démocratie mais pas suffisante. La séparation des pouvoirs, la préservation des droits individuels et le pouvoir d'empêcher l'exercice d'un pouvoir arbitraire sur les minortiés, sont des valeurs fondamentales. Sans elles, la démocratie n'est pas pleine et entière. Un pouvoir sans contrôle peut porter atteinte aux droits de l'homme et aux droits des minorités''.

Baharav Miara a indiqué que ses services allaient travailler à une réponse au projet de Yariv Levin: ''Il est bon que les dispositions constitutionnelles soient adoptées dans le cadre d'un processus ordonné et certainement pas à la hâte. Le visage de la démocratie israélienne n'est pas la préoccupation d'un gouvernement plus que d'un autre ou d'un public particulier. Les gouvernements se succèdent et la majorité d'aujourd'hui peut être la minorité de demain. Personne ne peut prédire l'avenir. Chacun d'entre nous pourra, un jour, avoir besoin de la protection de la loi. Nous présenterons au ministre de la Justice, au plus tôt, un avis professionnel au regard des propositions qui ont été portées à notre connaissance. Nous espérons que cette position sera prise en compte et aidera le gouvernement à prendre les bonnes décisions''.



Photo by Yonatan Sindel/Flash90


Le monde judiciaire est en ébullition depuis l'annonce de la réforme de Yariv Levin. Aujourd'hui aussi, plusieurs anciens conseillers juridiques du gouvernement, dont Avihaï Mandelblitt ou Meny Mazouz, ont signé une lettre pour condamner les projets du gouvernement et alerter contre leur dangerosité.

Des manifestations d'avocats ont également eu lieu à Tel Aviv, Haïfa, Nazareth et Jérusalem.

Photo by Tomer Neuberg/Flash90


Le ministre Yariv Levin a réagi immédiatement après le discours de la présidente Esther Hayot. ''Nous avons découvert quelque chose ce soir'', a-t-il ouvert sur un ton ironique, ''il s'avère qu'il existe un parti politique supplémentaire en Israël. Un parti qui ne s'est pas présenté aux élections il y a deux mois, et qui se place au-dessus de la Knesset, au-dessus de la volonté du peuple. Nous avons entendu ce soir une rhétorique bien connue issue des manifestations des ''drapeaux noirs" (manifestations organisées rue Balfour à Jérusalem contre Binyamin Netanyahou lors de son dernier mandat en tant que Premier ministre, ndlr). Il s'agit du même programme politique, du même appel à embraser les rues. Nous n'avons pas entendu un avis juridique équilibré. Nous avons entendu des propos politiques incitant aux manifestations.

Le fait que la présidente de la Cour suprême rejoigne, par ses propos, les paroles de Yaïr & Yaïr - Yaïr Lapid et Yaïr Golan - est la meilleure preuve de l'égarement du système judiciaire et de la nécessité de le ramener à sa place initiale, au temps des juges Landau et Agranat (avant la révolution judiciaire d'Aharon Barak, ndlr).

Dans aucune démocratie occidentale qui se respecte les juges se choisissent entre eux et se mêlent des lois fondamentales de leur propre chef. Dans aucun pays démocratiques, les conseillers juridiques se placent au-dessus du gouvernement et décident à sa place.

 

Les ministres du Likoud ont également critiqué le discours de la présidente Hayot, dénonçant le deux poids deux mesures des tenants du système judiciaire actuel et soulignant le fait que ces derniers paniquent à l'idée de se voir retirer leur pouvoir.

Concernant l'argument de la présidente de la Cour suprême sur le fait que sa juridiction était le rempart contre la persécution des minorités, plusieurs éditorialistes de droite lui ont rappelé que lors du désengagement de Gaza, la minorité que constituaient les habitants du Goush Katif et leurs soutiens n'ont pas bénéficié du soutien de la Cour surprême. Au contraire, on les a empêché de manifester, des jeunes filles de 14 ans ont été arrêtées et incarcérées pour avoir exprimé leur opposition au plan de désengagement en bloquant des routes. Et le tout avec l'approbation de la Cour suprême qui n'a rien fait pour protéger les libertés individuelles de ces citoyens israéliens. A cette époque, le président de la Cour suprême n'était autre qu'un certain Aharon Barak...