
En faisant entrer quinze députés à la Knesset - grâce aussi hélas à des voix juives de plus en plus nombreuses - la Liste arabe unifiée est en passe de devenir une force incontournable de la vie politique israélienne et surtout une menace grandissante pour la survie de l’Etat juif. Un signe hautement symbolique de cette évolution : l’arrivée à la Knesset de Ayman Khatib Yassine, première femme revêtue d’un ‘hidjab mais surtout, membre du Mouvement islamique arabe israélien, proche des Frères Musulmans, qui prône la disparition de l’Etat d’Israël dans la cadre d’un grand califat régional englobant la « Palestine ». Mais depuis son élection, les médias israéliens n’ont que d’yeux pour cette « femme pionnière » qui prend d’ailleurs bien soin de dissimuler son idéologie lorsqu’elle s’exprime en hébreu.
La déférence, l’indulgence et même l’admiration manifestées depuis les élections sur les plateaux de télévision envers Ahmad Tibi et Ayman Oudeh par des journalistes serviles n’ont eu d’égale que l’arrogance exprimée par ces députés qui se sentent soudain pousser des ailes et entendent désormais imposer leurs exigences inacceptables envers quiconque aura besoin de leur soutien. Des éléments en ce sens ont déjà été révélés concernant les conditions d’un soutien de la Liste arabe à un gouvernement formé par Benny Gantz : abolition de la Loi Kaminitz sur la lutte contre les constructions illégales et surtout annulation de la Loi de la Nation qui définit l’Etat d’Israël comme patrie du peuple juif. Et la liste n’est pas exhaustive. Après les élections du mois de septembre 2019, la Liste arabe avait émis un document comportant plus de 25 exigences qui se résument à une idée : la fin du projet sioniste.
Qu’il soit bien clair : Israël est une démocratie – contrairement à ce qu’affirment à tout venant ces mêmes députés - et il est légitime que la population arabe israélienne soit représentée à la Knesset. Mais c’est là-aussi que le bât blesse car il ne s’agit pas de n’importe quels représentants. Si jusque dans les années 1980, les députés arabes et la direction de la population arabe considéraient majoritairement que leur avenir dépendait aussi de leur acceptation des règles du jeu dans le cadre d’un Etat juif, les années 1990 et suivantes ont été les témoins d’une radicalisation des représentants de cette population au point qu’aujourd’hui, plus un seul député de la Liste arabe n’est partisan d’une intégration de sa population dans le cadre de l’Etat juif. C’est vrai pour les représentants politiques comme pour le Haut comité de la population arabe, organe faîtier présidé par l’ancien député Muhamad Barake, virulent adversaire d’un Etat juif. Ce changement correspond à l’époque de la 1ère Intifada (1987) suivie des Accords d’Oslo (1993) qui ont ramené Yasser Arafat et sa mafia terroriste depuis la Tunisie pour en faire une « Autorité Palestinienne » qui a tout fait depuis lors pour faire de la représentation arabe à la Knesset une annexe de l’OLP au coeur de la démocratie israélienne.
Il s’agit donc d’un cas unique au monde : que doit faire une démocratie lorsque des partis politiques proclament ouvertement qu’ils sont opposés à son existence et soutiennent sans vergogne ses ennemis ?
Cette élection a montré qu’il faut mettre définitivement fin à deux mythes qui plombent une réflexion de fond qui n’a que trop tardé sur cette question : le premier serait la « non représentativité » des députés de la Liste arabe, dont l’agenda politique subversif et nationaliste ne serait pas partagé par la large majorité silencieuse de la population arabe qui rêve d’intégration et de coexistence. Même s’il y a un peu de vrai dans cette affirmation, on ne peut que constater qu’élection après élection, les électeurs arabes votent de manière quasi unanime pour ces mêmes partis qui ne cachent pas leur idéologie et leurs intentions à long terme. La « majorité silencieuse » ne l’est donc pas autant que cela…L’augmentation impressionnante du taux de participation de cette population lors du dernier scrutin s’est faite au bénéfice de cette liste et non pas pour des listes arabes concurrentes qui se seraient risquées à tenter leur chance avec un agenda non relié à Ramallah. Certes, il y a parmi les 20% de citoyens arabes certains qui souhaiteraient s’intégrer et vivre tranquillement au sein d’un Etat juif qui leur accorde plus de droits que dans n’importe quel Etat de la région. Un récent sondage réalisé par l’Institut israélien de la Démocratie – peu suspect de sympathies droitières – a montré que 77% des citoyens arabes sont opposés à la définition d’Israël comme « Etat juif et démocratique ».

Nous aimons aussi nous gargariser à propos des rares et extraordinaires personnes atypiques telles que Dima Taia, Sarah et Mohamed Zoabi ou Annette Haskaya qui expriment ce qui devrait être élémentaire, à savoir la loyauté envers l’Etat dont ils sont citoyens. Mais combien sont-ils ? Très peu. Et quelle est leur influence sur le reste de la population arabe ? Malheureusement quasi nulle comme les scrutins successifs l’ont montré. Lundi dernier, ils ont été près de 90% à voter pour la Liste arabe unifiée.
Le second axiome qu’il convient de balayer est celui de la différence factice et commode établie par les médias et la gauche entre les quatre partis formant la Liste arabe. Ceux qui comme Balad seraient les « méchants » avec des positions irrédentistes et subversives, et les autres partis qui seraient eux « modérés », prôneraient une intégration de la population arabe et n’auraient aucune velléité nationaliste. Un leurre qui n’a plus besoin d’être démontré mais qui a la peau dure et qui s’est exprimé il y a quelques jours encore sur un plateau de télévision lorsqu’un journaliste présentait Ayman Oudeh comme le « symbole de l’espoir d’une coexistence judéo-arabe ». Ayman Oudeh le « modéré » est un admirateur de Yasser Arafat et de Hassan Nasrallah qu’il qualifiait de « modèle de résistant » et le félicitait pour avoir tenu tête à Tsahal lors de la 2e Guerre du Liban. Sans parler de toutes les occasions où il fait des circonvolutions pour ne pas condamner le terrorisme.
La Liste Arabe est certes composée de plusieurs partis, qui vont du communisme laïc à l’islam pur et dur et dont les leaders se haïssent parfois chaleureusement. Mais l’expérience montre depuis des décennies de vie politique qu’ils se retrouvent tous unis – y compris le seul député juif de cette liste, Prof. Ofer Kassif - sur des questions majeures tenant à l’existence et à l’essence de l’Etat d’Israël : opposition farouche à l’existence d’Israël comme Etat du peuple juif, soutien ouvert à la cause « palestinienne » et au « retour » de tous les « réfugiés », autodéfinition comme « Palestiniens de l’intérieur », activisme anti-israélien à l’étranger, volonté de supprimer les symboles nationaux (drapeau, hymne, déclaration d’Indépendance), exigence de suppression de la loi du retour pour les Juifs, soutien ou justification du terrorisme, glorification des terroristes morts qu’ils appellent « shahids », dénonciation systématique de toute opération anti-terroriste israélienne et qualification des soldats de Tsahal comme étant des « criminels de guerre ». Tous les quinze députés de la Liste arabe souscrivent à cet agenda, certains de manière plus démonstrative que d’autres, et tout cela en l’enveloppant dans un slogan sournois de « lutte pour la démocratie, l’égalité et la justice ».
Il ne faut pas non plus minimiser la responsabilité de certaines élites du pays, notamment dans le système judiciaire, le monde académique, les médias ou le monde politique dans cette situation. Dans le dernier numéro du journal Makor Rishon, Sarah Haetzny-Cohen résumait bien les choses : « A force de vouloir nous montrer ‘éclairés’, démocrates et humanistes nous avons permis que se crée avec les années un fossé qui fait la part belle au nationalisme palestinien et menace quiconque (parmi les Arabes israéliens) chercherait à s’identifier à l’Etat d’Israël ou à normaliser les liens avec l’Etat juif ».
Que faire alors face à ces Chevaux de Troie qui utilisent la démocratie israélienne pour mieux combattre l’Etat juif, comme ils le reconnaissent eux-mêmes ? Une démocratie doit savoir se défendre contre ses ennemis de l’intérieur, un principe que beaucoup hésitent à appliquer de peur de ternir l’image d’Israël. Toutes les valeurs les plus nobles s’effacent lorsqu’il s’agit de survie, à plus fort raison s’il s’agit de survie nationale.
En 2002, Marcel Gauchet dans son livre « La démocratie contre elle-même » parlait déjà des « déconcertants visages de la démocratie qui s’installe, triomphante, exclusiviste, doctrinaire et autodestructrice ». Le combat pour la « démocratie » mené par la Liste arabe, avec le soutien d’une partie de la gauche, de médias trop bienveillants et d’ONG financées par l’Union européenne comme le New Israel Fund cache en fait un combat irréductible pour la désincarnation de l’Etat juif et donc l’annihilation du but du sionisme : retrouver une souveraineté juive en Terre d’Israël. Dans un premier but il s’agit de chasser du pouvoir ceux qui gênent leur agenda politique, puis de créer un « Etat de tous ses citoyens » et dans une phase ultime inonder l’Etat d’Israël de « réfugiés » afin d’en faire une « Palestine » et réparer la « naqba ». La direction est limpide.
Le vote de la Loi de la Nation a été un premier pas contre ces tentatives sournoises de subversion. Reste à l’appliquer avec la plus grande rigueur : accorder de manière égalitaire et pleine les droits démocratiques, civils, sociaux et religieux à tous les citoyens sans distinction mais en même temps lutter sans merci contre toutes velléités nationales de la population arabe, contre les tentatives de saper fondements mêmes de l’Etat juif et de sanctionner de la manière la plus sévère tout soutien verbal ou concret aux ennemis du pays. Ce n’est pas pour rien que l’une des conditions de la Liste arabe pour soutenir un gouvernement israélien de centre gauche est de supprimer la Loi de la Nation.
Au risque de paraître politiquement incorrect, j’affirme ici qu’entre l’attitude que doit adopter la majorité juive envers la minorité arabe en Israël et l’inverse, la charge de la preuve est sur la population arabe. Dans tout pays qui se respecte, c’est à la minorité de prouver sa loyauté et à la majorité de la respecter et lui accorder tous les droits individuels. Il s’agit d’un contrat social réciproque qui ne peut pas exister si l’une des parties n’exige que des droits mais refuse les devoirs. Et ce n’est pas aux Juifs, qui ont toujours été « extrémistes » en ce domaine que l’on donnera des leçons sur ce qu’est la loyauté envers le pays dans lequel on vit. Ce que les représentants arabes à la Knesset dénoncent invariablement – à tort – comme étant du « racisme » ou de « l’incitation à la haine » n’est que la résultante logique de dizaines d’années d’attitude déloyale, d’incitation permanente contre l’Etat juif, de soutien au terrorisme et même de collaboration active avec les ennemis de l’Etat d’Israël.
Si l’on veut espérer pouvoir un jour changer les choses et voir apparaître un leadership arabe israélien digne de ce nom, il faudra d’abord que la Cour suprême se mette à…appliquer la loi et non à l’interpréter en fonction de valeurs post-sionistes qui sont en vogue depuis la révolution activiste instaurée dans les années 1990 par l’ancien président Prof. Aharon Barak. L’article 7a de la Loi fondamentale de la Knesset, qui parle des conditions requises pour être élu député est clair : « Sera invalidé tout candidat qui nie l’Etat d’Israël comme Etat juif et démocratique, qui fera preuve de racisme ou qui soutiendra la lutte armée d’un pays ennemi ou d’une organisation ennemie contre Israël ». Au moins deux des restrictions sont applicables à tous les membres actuels de la Liste arabe sans exception. Mais la Cour suprême applique une politique constante d’indulgence criminelle en cassant toutes les décisions d’invalidations prises par la commission centrale électorale dès qu’il s’agit de candidats de cette liste, toujours au nom d’une sacro-sainte « liberté d’expression » pour le moins sélective. Ainsi, l'organe le plus élevé du système judiciaire israélien, dans son aveuglement idéologique, favorise en fait le maintien d’une représentation politique arabe séditieuse au sein du parlement israélien.
Le jour où les Arabes israéliens se choisiront ou seront forcés à choisir des représentants dignes de ce nom, qui ne seront plus des porte-parole de l’Autorité Palestinienne, du Hamas ou du Hezbollah mais se soucieront des nombreux problèmes qui agitent cette société, alors des ponts pourront à nouveau être jetés entre majorité juive et minorité arabe pour une société pacifiée et une coexistence répondant aux intérêts bien compris de chacun. De leur côté, les dirigeants juifs du pays, de droite comme de gauche seraient bien inspirés de faire la part belle à ceux parmi les Arabes qui se distinguent par leur loyauté envers l'Etat d'Israël en les nommant par exemple à des postes à responsabilités vis-à-vis de leur population pour tenter de changer le cours de l'Histoire.
Mais pour l’instant, avec la "palestinisation" de la représentation arabe à la Knesset mais aussi de la société arabe israélienne, c’est l’inverse qui est en train de se produire et ce ne sont pas les derniers développements politiques qui le démentiront.
Il y a péril en la demeure.
Photo David Cohen