Le 6 décembre 2017, premier voyage officiel à Alger. Cette fois le président Macron affirme ne pas être «l’otage du passé» et en même temps, il dépose une gerbe au monument des martyrs de la guerre d’Algérie, le Maqam E’chahid, honorant ainsi les «chahid» du FLN (chahid étant un terme arabe à connotation religieuse défini par de nombreux hadiths). Après cette commémoration, il s’octroie un bain de foule dans les rues d’Alger où les caméras filment un échange impromptu avec un jeune Algérois qui l’interpelle: «il faut que la France assume son passé colonial avec l’Algérie», à quoi le président français répond «mais vous savez, ça fait longtemps qu’elle l’a assumé» et d’enchaîner avec une certaine brutalité «mais vous avez quel âge?», «vingt-cinq ans» lui répond le jeune homme. Emmanuel Macron s’exclame alors: «mais vous n’avez pas connu la colonisation! Qu’est-ce que vous venez m’embrouiller avec ça! Votre génération doit regarder vers l’avenir». Depuis, le Hirak a démontré que la jeunesse algérienne n’avait pas besoin de cette injonction quelque peu paternaliste pour se construire un avenir meilleur débarrassé des criminels et autocrates du FLN.
Se pose alors de nouveau la question de la place de l’État dans les enjeux mémoriels et les mécanismes de reconnaissance.
Ce rappel factuel illustre la versatilité d’Emmanuel Macron sur ces sujets dits «sociétaux». Il ne cesse de brouiller les pistes, déclarant une chose et son contraire, tout en affirmant que ce flou est de la subtilité, le signe de sa «pensée complexe». Si nous n’y voyons pas de cohérence idéologique, c’est probablement parce que nous sommes idiots ou intellectuellement malhonnêtes. Ainsi à un jeune Algérien, il déclare en décembre 2017 que les jeunes générations n’ont pas à «l’embrouiller avec ça», mais en janvier 2020 il tient aux Français un discours opposé si l’on en croit les propos tenus devant des journalistes dans l’avion le ramenant à Paris après sa visite en Israël. Apparemment, son opinion a encore changé depuis décembre 2017: la France n’aurait pas tant que cela «assumé» son passé colonial, puisqu’il déclare «la France ne peut pas se permettre de ne pas revisiter ce passé-là».
Barbara Lefebvre
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Photo by Hadas Parush/Flash90