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Sous les radars : des entreprises cyber israéliennes actives en Arabie saoudite

Depuis des années, Israël et l’Arabie saoudite tissent des liens économiques sans le moindre accord de paix officiel. Et bien que les échanges restent éloignés de l’œil médiatique, ils n’en sont pas moins réels, notamment dans le domaine du cyber.

4 minutes
4 juin 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Sous les radars : des entreprises cyber israéliennes actives en Arabie saoudite
Générée par l'AI

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Pendant que les projecteurs sont braqués ailleurs, les affaires continuent, discrètement. Depuis des années, Israël et l’Arabie saoudite tissent des liens économiques sans le moindre accord de paix officiel. Et bien que les échanges restent feutrés et éloignés de l’œil médiatique, ils n’en sont pas moins réels, notamment dans le domaine du cyber.

La récente visite d’une imposante délégation d’affaires menée par Donald Trump en Arabie saoudite a mis en lumière les ambitions technologiques du royaume, via des accords signés avec Nvidia, Amazon, Google, Boeing et AMD. Israël, pourtant surnommé la Start-Up Nation, était cette fois absent de la photo. À l’ombre du conflit à Gaza, Riyad s’affirme comme une nouvelle puissance régionale de la tech, éclipsant par moments Tel-Aviv.

Selon une enquête du journal économique Globes, plusieurs entreprises israéliennes opérant en Arabie saoudite se concentrent sur la cybersécurité, souvent via des structures étrangères qui leur permettent de contourner les contraintes diplomatiques. Certaines collaborent avec des distributeurs comme Spire ou Bulwark, bien implantés dans les pays du Golfe, en Égypte ou en Jordanie.

Parmi les acteurs israéliens visibles à Riyad : CyberArk, société basée en Israël avec 4 000 salariés -dont 1 200 à Petah Tikva et Beersheva. Son ancien responsable commercial pour le Moyen-Orient déclarait, quelques mois après le 7 octobre, que l’Arabie saoudite représentait alors 40 % du chiffre d’affaires régional, avec plus de 50 clients et une croissance annuelle de 25 %. L’objectif était de doubler les opérations dans les deux ans, mais depuis, silence radio.

Check Point est aussi actif dans la péninsule Arabique, bien que les ventes saoudiennes ne pèsent pas lourd dans son bilan. Cybereason, créée à Tel-Aviv mais désormais basée à San Diego grâce à son investisseur SoftBank, est également présente. D’autres entreprises, dont les noms ne peuvent être divulgués, recrutent localement à Riyad, comme celle qui vient d’embaucher un directeur commercial pour former des experts cyber saoudiens — un domaine stratégique pour un royaume qui veut se libérer du pétrole.

Continuity, spécialisée dans les solutions de reprise après incident, a quant à elle transféré ses opérations des États-Unis vers Israël pour des « raisons sionistes et fiscales ». Présente dans la région via Dell ou autres intégrateurs, elle reconnaît un net ralentissement depuis octobre 2023. « Les liens existent toujours, mais l’élan s’est brisé. Il n’y a pas de nouvel élan, seulement une inertie », admet son PDG, Gil Hecht. Le produit vedette de la société a doublé ses ventes mondiales… mais pas dans le monde arabe.

De surcroît, des coopérations universitaires voient le jour, notamment dans la recherche médicale, les biotechnologies ou la cybersécurité des infrastructures sensibles, souvent dans le cadre du mégaprojet Neom porté par le prince héritier Mohammed ben Salmane. Des fonds conjoints financent certaines initiatives israélo-saoudiennes, en toute discrétion.

Quant aux échanges commerciaux, ils restent difficiles à chiffrer. Pour se faire une idée, on peut observer l’évolution du commerce entre Israël et les Émirats : de 55 millions de dollars en 2020 à 1,5 milliard en 2022. Une partie de ces flux, notamment de diamants, passe par Dubaï… avant de finir à Riyad. Des entrepreneurs israéliens y accèdent avec des passeports étrangers ou des visas spéciaux.

Le potentiel ? Jusqu’à 2 milliards de dollars par an dont la moitié dans la sécurité, le reste dans la santé, l’agriculture ou les exportations de produits alimentaires comme le poisson, les carottes ou les dattes.

Mais côté investissements saoudiens dans la high-tech israélienne ? Le robinet est encore fermé. Contrairement aux Émirats et au Qatar, qui injectent déjà des capitaux dans les startups israéliennes, Riyad reste sur la réserve. Les tensions régionales, l’absence de normalisation et les différences culturelles freinent encore ce qui pourrait devenir — peut-être — le prochain grand axe stratégique du Moyen-Orient.